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Trois ou quatre fois par semaine un train part de Mombasa à midi pour arriver au lac Victoria le surlendemain matin, franchissant en quarante-deux heures un trajet de neuf cents kilomètres. Si le rapide de Paris à Marseille franchit en douze heures le même nombre de kilomètres, ce n’en est pas moins un immense progrès sur le temps où Thomson pouvait se vanter d’avoir fait le voyage en quatre mois. Comment d’ailleurs égaler la vitesse de nos trains rapides sur une voie d’un mètre d’écartement où l’inégalité du terrain et la dureté des ressorts causent de telles secousses et des soubresauts si inattendus, que c’est une plaisanterie courante de dire que le maté- riel du chemin de fer de l’Ouganda roule sur des roues à peu près circulaires. » Les traverses métalliques, commandées à la métallurgie belge, ne contribuent guère à adoucir le roulement, mais il a bien fallu y recourir le jour où l’on a constaté que les termites de l’Afrique équatoriale s’attaquaient aux traverses en bois.

La gare d’où partent les trains de l’Ouganda rappellerait une gare quelconque du Royaume-Uni, si elle n’en différait par le personnel du chemin de fer. Ici encore, je retrouve l’Hindou ; depuis le chef de gare jusqu’au dernier des employés, depuis le machiniste jusqu’aux contrôleurs du train, tous Hindous.

Midi précis. Les voyageurs pour le lac Victoria, en voiture ! Le troisième coup de cloche retentit, le train s’ébranle. Et me voilà parti pour le lointain et mystérieux Ouganda des Speke et des Stanley. Je suis tout seul dans mon compartiment. Les voitures sont du type adopté dans l’Inde. Elles sont divisées en deux compartimens s’ouvrant sur la voie et ayant chacun leur lavatory, muni d’une ample provision d’eau contre la poussière de la route. La toiture se rabat jusqu’à mi-hauteur des fenêtres au moyen d’auvens verticaux qui protègent tout à la fois contre le soleil, la pluie et les cendres. Les voitures sont plus étroites que les nôtres, à cause du moindre écartement de la voie. Les banquettes sont disposées en longueur, comme dans nos tramways, comme dans les voitures des chemins de fer japonais. Le voyageur tourne ainsi le dos au paysage, et il doit se tordre le cou pour le contempler, ce qui à la longue devient fatigant. Chaque compartiment de première classe peut admettre six voyageurs pendant le jour, quatre pendant la nuit. Pour la nuit, les deux banquettes servent de couchettes, et les parois se rabattent aux mêmes fins au-dessus des banquettes. Il n’y a pas