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tout change. La terre s’épuise plus vite par la production des céréales dans le Nord que dans le Midi ; de cette infériorité de leur sol, les Anglais ont su faire une qualité. Dans l’impossibilité où ils étaient de demander aussi souvent que d’autres du blé à leurs champs, ils ont dû rechercher de bonne heure les causes et les remèdes de cet épuisement. En même temps, leur territoire leur présentait une ressource qui s’offre moins naturellement aux cultivateurs méridionaux : la production spontanée d’une herbe abondante pour la nourriture du bétail. Du rapprochement de ces deux faits est sorti tout leur système agricole.

« Le fumier étant le meilleur agent pour renouveler la fertilité du sol après une récolte de céréales, ils en ont conclu qu’ils devaient avant tout s’attacher à nourrir beaucoup d’animaux. Ils ont vu dans cette nombreuse production animale le moyen d’accroitre par la masse des fumiers la richesse du sol et d’augmenter ainsi leur produit en blé. Ce simple calcul a réussi...

« Dans l’origine, on se contentait des herbes naturelles pour nourrir le bétail ; une moitié environ du sol restait en prairie ou pâturages, l’autre moitié se partageait entre les céréales et les jachères. Plus tard, on ne s’est pas contenté de cette proportion, on a imaginé les prairies artificielles et les racines. Plus tard encore, la culture des céréales a elle-même diminué ; elle ne s’étend plus (1850), même en y comprenant l’avoine, que sur un cinquième du sol ; et ce qui prouve l’excellence de ce système, c’est qu’à mesure que s’accroît la production animale, la production du blé s’augmente aussi : elle gagne en intensité ce qu’elle perd en étendue ; l’agriculture réalise à la fois un double bénéfice. »

Fort heureusement, la culture française a suivi plus tard la même marche et opéré la même transformation. Les surfaces consacrées aux fourrages se sont accrues ; le nombre et le poids des animaux domestiques ont augmenté, et, cependant, la production totale de céréales et celle de froment en particulier n’ont pas cessé de grandir. Ainsi l’expérience démontre que les changemens opérés de nos jours dans les systèmes de culture, — pour suppléer au défaut de main-d’œuvre, — n’ont pas le moins du monde réduit nos récoltes de blé. A ce point de vue encore, l’exode rural n’a compromis ni la prospérité agricole, ni les intérêts généraux des consommateurs.