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depuis cinquante ans, près de 35 000 hectares ont été « couchés en herbe. »

Cette pratique est justifiée par une raison économique d’un autre ordre qui agit dans le même sens avec une égale puissance. Durant la période de crise agricole (1880-1900), le bétail n’avait pas subi, à beaucoup près, une baisse de prix semblable à celle qui avait atteint les grains. Depuis dix ans, le cours de la viande s’est élevé brusquement au delà même du niveau qu’il avait atteint, trente ans auparavant. L’élevage et l’engraissement constituent donc une des opérations agricoles les plus lucratives. L’extension des prairies et des cultures fourragères a été commandée par ces circonstances spéciales aussi bien que pour le défaut de main-d’œuvre.

Dans la monographie de la Sarthe nous (trouvons cette note caractéristique :

« Une cause tend à amener la diminution du nombre des ouvriers, c’est la prospérité de l’élevage et le prix élevé de la viande. Beaucoup de cultivateurs, lorsque la qualité de leur sol le permet, augmentent l’étendue de leurs pâturages pour entretenir un plus grand nombre d’animaux de leur ferme à la pâture. Ce changement de destination des terres réduit naturellement le travail de leur exploitation et par conséquent celui des ouvriers agricoles. »

La même cause produit ailleurs les mêmes effets. Il s’agit bien d’une transformation culturale provoquée par des faits économiques dont la portée est générale. Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, on a constaté les modifications déjà opérées en Normandie ou dans le Maine. Le passage suivant est d’une précision parfaite :


Pendant ces dix-huit dernières années, même dans ce département où la culture est encore beaucoup trop routinière, des modifications profondes ont été introduites dans l’organisation ainsi que dans la direction des exploitations.

Non seulement dans les régions les plus septentrionales du département on a donné à la vigne une moins grande importance et réalisé par ce fait même une grande économie de main-d’œuvre, mais encore partout, sous l’empire des nécessités, ou en raison de conceptions meilleures, on a diminué la quantité de travail nécessaire.

Si, dans le nord du département, la friche a parfois remplacé l’ancien vignoble, partout on a laissé à la prairie une place beaucoup plus importante, et on a ainsi économisé annuellement un grand nombre de bras.