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ont délaissé la culture du sol national, correspondent à une économie de salaire qu’on ne peut chiffrer, nourriture comprise, à moins de 240 à 250 millions de francs par an. C’est une diminution de frais de production qui dépasse le montant de l’impôt foncier en principal et centimes additionnels, et qui accroît d’autant le bénéfice des exploitans.

« Produire beaucoup avec le moins de dépense possible de façon à nourrir la plus nombreuse population, tel doit être le but du cultivateur. Le mal n’est pas d’avoir moins de bras pour obtenir le même produit, loin de là Quand avec un ouvrier on arrive a faire le travail de deux, il y a progrès. Ce qui est un grand mal, c’est la diminution du nombre des enfans dans les familles rurales. »

La plupart de ces argumens n’ont rien perdu de leur force. On peut même faire remonter au delà de 1862, dans le passé, la diminution de l’effectif du personnel salarié. De 1852 à 1882, par exemple, il avait subi une réduction de près de 650 000 unités. Le développement de la production ne laisse pas que d’être rapide entre ces deux dates. Grâce à la hausse générale du prix des produits agricoles et au merveilleux encouragement dont profite ainsi le cultivateur, la prospérité de l’industrie rurale reçoit un extraordinaire accroissement. La valeur de la terre passe de 61 à 91 milliards de francs, augmentant de 30 milliards dans l’espace de trente ans[1]. Le capital de culture[2], indice fidèle de l’étendue des épargnes réalisées, s’élève de 2 milliards 800 millions de francs à 5 milliards 700 millions. La valeur de la production brute annuelle atteignait seulement, d’après M. Tisserand, 8 milliards en 1852 et dépasse 13 milliards en 1882. Comparée au nombre des cultivateurs qui la créent par leur travail et leurs capitaux, cette valeur augmente de 90 pour 100 ! Nous persistons à penser que cet essor merveilleux a eu pour conséquence un développement parallèle de la consommation dans les campagnes, et le phénomène que nous signalions plus haut s’est déjà produit. Pour satisfaire aux demandes croissantes d’une population rurale plus exigeante parce qu’elle était plus riche, la production industrielle a grandi. Il lui a fallu demander aux campagnes les auxiliaires indispensables à ses travaux et le

  1. Voyez l’enquête agricole de 1882. Introduction, p, 403.
  2. C’est-à-dire le capital employé par l’agriculteur pour mettre la terre en valeur (semences, bétail, outillage, (etc., etc.).