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elle devient de plus en plus florissante à mesure que le débouché devient plus large et plus rapproché, c’est-à-dire dans les environs immédiats des grandes villes et des grands centres de fabrication. Là le débouché suffit pour donner naissance à des bénéfices qui accroissent rapidement les capitaux ; la culture devient de plus en plus riche, elle tend vers son maximum. » Ces vues ne sont pas seulement originales et neuves, elles sont encore justes et profondes. Les événemens ont pleinement justifié la thèse de Léonce de Lavergne. La transformation des moyens de transport a contribué sans doute aux progrès de notre agriculture, mais si le débouché nécessaire à la production rurale n’avait pas été assuré par une population toujours plus nombreuse d’industriels et de commerçans, cet essor eût été moins rapide.

L’auteur que nous citons a donc raison d’ajouter et l’on peut répéter encore :

« Il importe que nos propriétaires et cultivateurs se rendent bien compte des seuls moyens qui peuvent les enrichir, afin qu’ils n’apportent pas eux-mêmes des entraves à leur prospérité. Leur opposition n’empêcherait pas le cours des choses, mais elle pourrait le rendre lent et pénible. Toute jalousie des intérêts agricoles contre les intérêts industriels et commerciaux ne peut faire que du mal aux uns comme aux autres. Voulez-vous encourager l’agriculture, développez l’industrie et le commerce qui multiplient les consommateurs, perfectionnez surtout les moyens de communications qui rapprochent les consommateurs des producteurs. Les débouchés, voilà le plus grand, le plus pressant intérêt de notre agriculture[1]. »

L’exode rural n’a donc pas uniquement des inconvéniens et des dangers, à la condition, bien entendu, qu’en se déplaçant, la population des campagnes rende ailleurs des services productifs.


Il est permis toutefois de se demander si l’agriculture privée des bras dont elle a besoin sera capable de supporter cette épreuve sans subir en même temps une prochaine déchéance. Est-elle en état d’abandonner ainsi à l’industrie, au commerce, services des transports, aux administrations publiques, un

  1. Léonce de Lavergne, loc. cit., p. 183.