Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/651

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui alors suffit à leur activité et les empêche de travailler pour autrui. »

Bien loin de là, dans le Lot, on observe des faits analogues. « L’ouvrier agricole qui vit exclusivement de ses journées, ne possédant rien dans la commune, existe en très petit nombre... ; cette catégorie d’ouvriers tend à disparaître totalement. » En revanche, le nombre des petits propriétaires grandit en même temps que leur patrimoine s’élargit, L’importance sociale de ces faits est trop grande pour que nous hésitions à citer encore le passage suivant : « C’est principalement aux dépens des grandes et moyennes propriétés que le petit propriétaire s’agrandit ; lui seul, en effet, réalise des bénéfices. Récoltant suffisamment pour vivre lui et les siens, il n’a point, en effet, à débourser. Dès qu’il a quelques économies, son rêve est d’arrondir son patrimoine. » Il ne s’agit point d’une exception, car dans le Loiret, « la situation des propriétaires journaliers est devenue plus prospère ; ils ont acheté des terres et travaillent exclusivement sur leur bien. » Ce ne sont pas là des révélations ; le développement de la petite propriété est un des faits les plus connus et les plus anciennement connus, mais l’on voit clairement que la réduction de la main-d’œuvre salariée est liée à cette évolution. On la constate, ainsi que le prouve l’enquête, dans la Vendée, la Savoie, le Tarn, la Manche, la Meurthe-et-Moselle, la Somme, les Côtes-du-Nord, le Puy-de-Dôme, la Meuse, le Cantal... Nous citons au hasard pour montrer qu’il ne s’agit nullement d’un phénomène ayant un caractère régional et se rattachant notamment au développement d’une culture spéciale.

Une autre transformation moins connue du public agit dans le même sens et rend plus rare la main-d’œuvre salariée disponible. Les enfans des fermiers et des métayers ne sont plus assez nombreux pour augmenter comme jadis l’effectif des salariés ; ils restent à la ferme ou à la métairie pour aider leurs parens (Lot-et-Garonne).

Les ouvriers déjà propriétaires cherchent à prendre des petites fermes suffisantes pour les occuper toute l’année (Loiret). Le faire-valoir direct avec domestiques est remplacé par le fermage avec un cultivateur qui exploite avec sa famille sans ouvriers (Haute-Loire). Ailleurs, on fait cette observation instructive : « La diminution de la population agricole permet aux salariés de trouver plus facilement des situations de fermiers et de