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volontaire si redoutable sont constatés d’un bout à l’autre de la France. La réduction absolue de l’effectif du personnel salarié est donc, avant tout, la conséquence de ce phénomène démographique. Ni la médiocrité des salaires, ni l’insuffisance du bien-être général n’ont entraîné cette décroissance du nombre des naissances. La preuve est faite : la natalité est d’autant plus faible et diminue d’autant plus rapidement que la richesse est plus grande et plus également répartie ! Ceci est vrai d’ailleurs à l’étranger comme en France. :

Une autre cause de la réduction du personnel salarié mérite une mention spéciale ; elle marque, en effet, une évolution sociale du plus puissant intérêt. L’ouvrier rural tend à devenir propriétaire et chef de culture, à conquérir ainsi son indépendance, à conserver pour lui seul le bénéfice de son activité qu’il dépense alors sans compter ; il cherche à réduire au minimum les risques de chômage, à s’assurer dès lors la sécurité, la continuité et la productivité de son labeur. Les témoignages abondent qui ne sauraient manquer d’entrainer la conviction à cet égard. Voici ce que disent les rapporteurs qui ont rédigé une monographie pour chaque départements :

« La diminution des salariés agricoles tient à l’augmentation du nombre des petits propriétaires qui, accroissant l’étendue de leur propriété par acquisitions, ne se louent plus comme journaliers. » (Charente.) « Dans tout le département, il y a désertion de la très petite propriété qui fournit les journaliers ; ceux-ci émigrent, ou bien, s’ils restent dans le pays, arrivent à agrandir leur propriété ; ils ont alors suffisamment de travail chez eux et ne louent plus leurs services. » (Côte-d’Or.) « En ce qui concerne les petits propriétaires journaliers, on n’en cite guère qui désertent la campagne. Ils sont attachés à leur terre. Anciens ouvriers ou anciens domestiques cultivant eux-mêmes, ne souffrant pas du manque de main-d’œuvre comme les moyens et les grands exploitans, et appliquant depuis quelques années de meilleures méthodes de culture, ils obtiennent d’excellens résultats, améliorent leur situation et deviennent bientôt indépendans. » (Gers.) Ce ne sont pas là des exemples isolés.

Nous trouvons, dans la monographie de la Haute-Loire, la réflexion suivante : « Le nombre des salariés agricoles tend à diminuer. Parmi les causes de ce mouvement, il faut noter l’augmentation, pour certains propriétaires-journaliers, de leur patrimoine