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nullement une situation douloureuse marquée par l’irrémédiable infériorité sociale et économique du travailleur manuel. Partout le progrès est visible, partout s’améliore rapidement la situation matérielle de l’employé. Ce dernier partage le sort de son patron ; leur condition commune s’élève à mesure que la richesse produite grandit elle-même.

La rémunération et le bien-être de l’auxiliaire salarié restent étroitement liés aux progrès techniques accomplis, au développement de l’épargne productive appliquée à l’œuvre agricole. Le patron ne s’enrichit pas à côté du salarié appauvri et dépouillé ; la hausse même des denrées alimentaires constitue une charge imprévue que l’employeur supporte au moment où il en profite. En un mot, les réalités observées ne justifient ni les indignations des révoltés, ni les colères des impatiens ; elles nous apprennent simplement que les transformations sociales s’accomplissent avec lenteur, et qu’en cette matière, la nature ne procède pas par bonds. Vivre, c’est attendre.


LA CONDITION DES OUVRIERS AGRICOLES ET L’EXODE RURAL

À ces conclusions optimistes nos contradicteurs auraient le droit d’opposer un fait dont nous ne songeons à nier ni la réalité, ni la gravité. Il s’agit du mouvement continu, de la poussée presque irrésistible qui parait entraîner la population agricole, loin des campagnes dépeuplées. Comment peut-on, en effet, concilier le phénomène de l’exode rural avec l’amélioration, soi-disant observée et de plus en plus marquée, de la condition des travailleurs manuels ? Le contraste est étrange et la contradiction parait visible : le personnel salarié abandonne-t-il donc les campagnes au moment même où il reçoit des satisfactions si longtemps désirées, si impatiemment attendues ?

Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de discerner les causes de l’exode rural et d’en observer soigneusement les modalités si différentes les unes des autres selon les régions.


Tout d’abord, notons que si l’enquête agricole récente signale partout une diminution du nombre des salariés ruraux, elle assigne à ce phénomène une première cause générale : c’est l’abaissement de la natalité. Ce mal si grave, et cette déchéance