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journaliers propriétaires : il s’élevait à 588 000 contre 621 000 non-propriétaires. On peut dire sans exagération qu’un ouvrier rural sur deux produit en partie ce qu’il consomme, ou vend des denrées agricoles. L’influence de la hausse récente des produits du sol n’exerce donc pas l’influence fâcheuse que des observateurs superficiels ont signalée naguère. Cette influence est en tout cas visiblement modifiée et atténuée.


Il y a plus à dire. Dans un certain nombre de départemens les journaliers sont nourris par le cultivateur qui les emploie. « L’ouvrier vit à la table commune, » dit le professeur d’agriculture de la Savoie. — « Les journaliers et les femmes nourris à la ferme reçoivent une nourriture excellente, » déclare l’auteur de la monographie relative au Tarn-et-Garonne. — Dans la Vendée, le journalier est le plus souvent nourri, et dans la Vienne, il mange d’ordinaire à la table du maître. C’est ce que l’on constate encore dans les Vosges, dans l’Ain, etc., etc. Sans doute, le patron ne supporte pas toujours la charge de la nourriture et par suite de la hausse des denrées alimentaires, mais on voit que pour le journalier lui-même cette « cherté » se trouve encore limitée et atténuée.

Les journaliers non-propriétaires sont en outre très souvent locataires d’un jardin ou d’un petit champ, dans lequel ils peuvent récolter les légumes nécessaires a leur consommation. Personne enfin ne doit oublier que les salariés ruraux ne sont pas représentés uniquement par des ouvriers, mais surtout par des domestiques.

On en comptait 1 832 000 en 1892, contre 1 210 000 ouvriers. Cette proportion varie assurément avec chaque région, mais la supériorité numérique du premier groupe est incontestable. Les enquêtes récentes auxquelles nous nous référons mettent ce fait en évidence. Or, le domestique et la servante de ferme sont presque toujours nourris, logés, et même blanchis par l’employeur. Ce dernier supporte donc seul le sacrifice correspondant à l’élévation du prix des denrées. Quelles sont maintenant les conditions dans lesquelles la nourriture du personnel se trouve assurée ? Ce point est un des plus intéressans à bien connaître, car les légendes relatives à l’ « exploitation » du salarié par le patron trouvent là leur meilleure réfutation. Partout, en effet, les professeurs départementaux d’agriculture