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dans nos campagnes ; l’insuffisance des rémunérations et du bien-être est-elle bien la conséquence du régime du salariat et d’une injuste répartition des richesses produites ; cette situation, enfin, a-t-elle réellement provoqué l’exode rural ?

Nous voudrions examiner ces questions et demander à l’étude seule des réalités les réponses qu’elles comportent..


LA CONDITION DU SALARIÉ RURAL

L’Administration de l’Agriculture vient de publier précisément les résultats d’une enquête[1] sur cette question. Il ne s’agit pas d’une étude superficielle confiée à des employés de mairie, ou a des fonctionnaires incompétens désireux d’achever à la hâte une besogne fastidieuse. Les hommes qui ont fourni ces renseignemens précis et sincères connaissent parfaitement chaque département et chaque région : ce sont les professeurs d’agriculture. Un long séjour, des tournées fréquentes dans toutes les communes de leurs circonscriptions, et l’étude journalière des faits, les ont admirablement préparés à ces recherches. Les conclusions qu’ils nous soumettent ont donc une sérieuse valeur.

Une première constatation du plus haut intérêt se rapporte à la rémunération du salarié. Nulle part on n’a constaté une baisse ; partout, au contraire, la hausse est marquée. A cet égard, une affirmation a moins de valeur qu’une statistique précise. Nous citons ci-dessous les chiffres fournis par le professeur d’agriculture de la Haute-Vienne :


Salaires annuels.

(Nourris et logés.)

1910[2] 1892
francs francs
Garçons 12 à 16 ans 205 95
« 16 à 20 ans 324 200
Hommes adultes 414 300
Fillettes 16 à 20 ans 136 80
Servantes 16 à 20ns 210 100
« Adultes 235 120
  1. Ministère de l’Agriculture. Enquête sur les salaires agricoles. Paris, Imprimerie Nationale, 1912.
  2. Ces chiffres sont la moyenne des dix-sept questionnaires provenant des divers points du département. Malgré leur augmentation depuis vingt ans, ces salaires sont jugés encore insuffisans, surtout en ce qui concerne les journaliers ruraux.