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plan est un mannequin d’atelier davidien. Au musée des Hospices est un Christ mort de Suvée, pénible étude d’amphithéâtre. Le panégyrique de ce parfait pédagogue tient en ces deux lignes d’un biographe ironique : « Il était passionné pour Rubens qui se trouvait, relativement à lui, aux extrémités opposées de l’art. »

Nous avons souvent brusqué notre pèlerinage en désignant avec une brièveté hâtive les autels les plus justement fleuris. Mais que désirons-nous, sinon raviver des émotions chez ceux qui ont vu Bruges ou éveiller chez les autres le désir de connaître la ville et ses peintres ? L’intelligence complète de Memlinc ne s’acquiert que par la vue de la mystique cité flamande. Mais van Eyck, van der Goes, Gérard David, Blondeel, Fourbus s’incorporent tous à cette cité où le disparate des édifices, la grâce des pignons en deuil, l’élan sans repos des tours et des clochers, l’adorable chaos des toits vermillon, les nappes dormantes des canaux, les murailles et les dômes de verdure se confondent et s’accordent en une vision idéale. Le temps a écrit ici, dans le « grand catéchisme du silence, » une inoubliable leçon d’éclectisme, d’un éclectisme qui s’épure et s’unifie dans le charme d’une beauté conforme aux êtres et à leurs penchans intimes. Le génie des maîtres palpite dans l’air brugeois. Et c’est pourquoi il faut rêver devant le pieux retable du Minnewater au soir tombant…

Fierens-Gevaert.