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mais robustes, de Pourbus. L’empreinte de Pourbus est nette aussi dans les tableaux du musée communal : le Maeltyt van der beionyc commémorant l’entrée en fonctions d’un échevin et d’un clerc de la Trésorerie, et dans l’allégorie Mars foulant aux pieds l’ignorance (1605) où les muses vaguement primaticiennes se découpent sur une sèche reproduction du Minnewater, de Saint-Sauveur et du Beffroi. Les œuvres les plus archaïsantes d’Antoine Claeissins sont les plus défendables : le triptyque de Notre-Dame (1584) avec une grave Madone, à qui l’Enfant taquine gentiment le menton, et la Vierge adorée par saint Bernard (Saint-Sauveur), peinture probe, d’une polychromie anémiée et d’un gothicisme persuasif. — Aucune peinture n’existe a Bruges de Gillis, frère d’Antoine et de Pierre II, et qui fut peintre d’Alexandre Farnèse, de l’archiduc Ernest et des gouverneurs Albert et Isabelle.

Dans la galerie de ces Brugeois un peu fossiles, Jan van der Straet, illustre sous les divers noms de Stradanus, Stradano, della Strada, est une sorte d’enfant prodigue, qui mourut octogénaire et ne revit point le bercail. Né à Bruges en 1523, maître à Anvers en 1545, il vécut à Lyon, à Venise, à Rome, où il fut parmi les ordonnateurs du catafalque de Michel-Ange, à Florence, qui vit sa fortune, son amitié avec Vasari, sa mort enfin, survenue dans la quatre-vingt-quatrième année. Ses cartons de tapisserie justifient sa gloire et son tombeau de l’Annunziata. Sa peinture collige les pires maniérismes des successeurs de Buonarroti. Dans le triptyque qu’on lui attribue à l’église Saint-Sauveur (Présentation, Naissance et Mariage de Marie) l’académisme des architectures, des types féminins, des vêtemens dépasse tout l’effort des romanisans dans ce genre. Stradanus est plus catholique que le pape. Et quel amour agressif des couleurs enténébrées ! Les temps sont proches où les imitateurs du Caravage vont se complaire aux effets de soupiraux. Une peinture de Notre-Dame est mise au compte du terrible vériste : les Disciples d’Emmaüs. Mais l’œuvre est bien pondérée ; le Christ est d’un calme tout septentrional et, si la nature-morte était plus truculente, on croirait à un pastiche d’un des nombreux suiveurs flamands et hollandais de l’Amerighi.

Il y a toujours des peintres à Bruges au XVIIe siècle et Jacques van Oost, si inégal, si influençable soit-il, est un peintre de valeur. Né à Bruges en février 1601, maitre en 1621, il fit le