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plus souvent les plantureux confrères de Peeter-Jansz dans les rues de Bruges que le saint Jean de Memlinc ou celui de Gérard David.

En 1559, Pourbus signe la grande Cène de Saint-Sauveur où triomphent toutes les conventions prônées par les ateliers romanistes. Hélas ! l’âme flamande s’assimilait mal l’âme antique et l’idéalisme néo-platonicien de la Haute Renaissance. Ces apôtres aux toges impeccables sont bien ennuyeux ; mais quelle sûreté dans les architectures et quel charme dans le paysage ? Au revers de l’un des volets les quinze membres de la Confrérie du Saint-Sacrement, donateurs du triptyque, se pressent en rangées régulières, et leurs portraits sont parmi les plus vivans du maître. La Cène de l’église Notre-Dame (1562, restaurée en 1589 par Antoine Claeissins) n’a de vie et de relief que dans deux ou trois personnages qu’on devine peints d’après nature. En 1560, Pourbus peignait, pour la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville, les effigies (perdues) de Charles-Quint et de Philippe II ; en 1561, il rompt avec la routine des têtes superposées en groupant les treize membres de la famille Berchem autour d’un clavicorde (collection du marquis de la Boëssière-Thiennes, Bruxelles) et, en 1573, il réunissait sur les volets de la Transfiguration de Gérard David (Notre-Dame) à gauche Anselme Boetius et ses sept fils, à droite la femme d’Anselme, Jeanne Voet et ses trois filles. Blondes, coiffées à la Marie Stuart, la poitrine chargée de chaînes d’or, les dames Voet n’ont plus l’immatérialité des patriciennes peintes par Memlinc : elles gardent leur coquetterie. Dans la partie centrale de son Adoration des Bergers de Notre-Dame (1574), le peintre ne se dégage pas de l’académisme de ses Cènes ; mais si son saint Joseph pose comme un modèle salarié, les donateurs, — sire Josse de Damhoudere, sa femme Louise de Chantraine, leurs fils et filles, — sont du meilleur Pourbus. Car le portraitiste ne craint pas de rivaux, et plus d’une de ses œuvres enrichit encore indûment les catalogues d’Antonio Moro, d’Adrien et Guillaume Key, d’autres contemporains notoires. Un beau portrait d’Adrien Key entré depuis peu nu musée de Bruges ne fait pas passer le couple Fernaguut au second plan. Pourbus habitait à Bruges une grande maison appelée Rome, et il n’était pas possible de voir atelier plus beau et plus confortable, déclare van Mander. On y enseignait la vieille pratique flamande ; pour la composition, on y recommandait,