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torchères décoratives et dessina des costumes pour les rhétoriciens qui participèrent à la Joyeuse entrée de Philippe II. Ces artistes universels du XVIe siècle, enivrés de science et de théorie, redevenaient à l’occasion de simples ouvriers d’art. On a perdu toute trace d’une Légende de saint Hubert que van Mander vit à Delft et désigne comme la création la plus importante de l’artiste. Mais Bruges a gardé, de celui que l’on a dénommé son dernier peintre, quelques œuvres de valeur permettant l’estimation équitable de son robuste talent. Les plus anciennes sont au musée communal et datées de 1551 : les portraits de Jean Fernaguut et de sa femme Adrienne de Buuck et un grand Jugement dernier. Les portraits illustrent magistralement la race brugeoise du XVIe siècle. Fernaguut a vingt-neuf ans, sa femme dix-neuf. Placides, calmes, énergiques, ils détiennent l’héritage moral des grands ancêtres peints par Memlinc et Gérard David ; de plus, la facture de ces frappantes images, lisse, mouillée, est d’un technicien raffiné.

Le Jugement dernier, d’un coloris peu agréable, vaut également par une science supérieure. Les graphiques de la préparation apparaissent par endroits sous les glacis légers et les ombres s’obtiennent encore au moyen de hachures ; l’esprit de cette technique est strictement septentrional. Mais le modelé des corps nus, les élégances empruntées des têtes, les anatomies académiques sont d’un maître méridionalisé. Son italianisme toutefois a des accens primaticiens ; on le dirait né à Fontainebleau et peut-être Pourbus, comme d’autres Flamands, a-t-il connu l’art transalpin par les maîtres italiens de la Cour de France. La belle Vierge des Sept Douleurs (1556, église Saint-Jacques), assise dans une niche brunâtre et vêtue d’un manteau détérioré par le temps, émeut par les accens simples qu’avait su trouver le créateur pathétique de la Vierge des Sept Douleurs de Notre-Dame, et Pourbus reste à la hauteur du portraitiste des Fernaguut dans les images des donateurs, Josse van Belle en merveilleuse simarre doublée de zibeline, sa femme Catherine Ylaert et leurs quatre fils. La même année — 1556 — furent peints en deux groupes, les trente et un membres de la Noble Confrérie du Saint-Sang, alignant des têtes énergiques, ornées de barbes rousses ou brunes, à côté de visages florissans un peu salis par le poil du menton rasé. Ce sont les modèles de Pourbus qu’évoquent surtout les Flamands d’à présent et l’on rencontre