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Martyre d’un saint (1548, musée d’Amsterdam), dont le paysage justifie si bien l’éloge de van Mander : « Il (Lancelot) avait un vrai talent pour peindre les ruines et d’autres sujets d’architecture, » et les Scènes de la vie de la Vierge (attribution, cathédrale de Tournai) renseignent plus avantageusement sur les mérites picturaux de Blondeel que les tableaux de Bruges, lesquels d’ailleurs pourraient bien n’être que des bannières corporatives. Et peut-être partagerions-nous l’opinion flatteuse de Sanderus et de Guichardin sur Lancelot, si nous connaissions les œuvres perdues de l’artiste et notamment le Jugement dernier commandé par le Magistrat de Blankenberghe, en 1540. Enthousiaste des nouveautés méridionales, Blondeel restait l’admirateur fervent des gloires traditionnelles. Jan Scoreel et lui furent chargés de la première restauration du polyptyque de l’Agneau. S’étant acquittés de leur tâche, « ils baisèrent dévotement le retable en plusieurs endroits. » Cette humilité n’est-elle pas l’affirmation d’une maîtrise ? Blondeel mourut le 4 mars 1561, fut enterré au cimetière de Saint-Gilles où reposait Memlinc, et loué dans une belle épitaphe par le poète Edouard de Denc. Sa manière ne disparut pas avec lui, comme en témoigne au musée de Bruges un Saint Georges terrassant le dragon « sous les yeux de la princesse grimaçante et niaise[1]. » Au même musée est un curieux tableau provenant de l’église de Dixmude : la Naissance de la Vierge, où l’on a voulu voir une dérivation de l’art de Lancelot. Cette opinion est démentie par certains archaïsmes ; les types féminins remettent d’ailleurs en mémoire les figures de Jacob Cornelisz van Oostzanen d’Amsterdam, maitre de Scoreel dans les premières années du XVIe siècle.

Le gendre de Lancelot, Pierre Pourbus l’Ancien (ou mieux Peeter-Janz Poerbus), « bon peintre de figures, compositions et portraits d’après nature[2], » naquit à Gouda (Hollande), s’installa à Bruges aux environs de la trentaine, devint membre de la Confrérie de Saint-Georges en 1540, acquit en 1543 la maîtrise dans la Gilde des peintres, fut doyen de cette corporation et mourut dans sa ville adoptive le 30 janvier 1584. Le Magistrat de Bruges recourut souvent à ses talens divers et lui commanda entre autres une carte générale à laquelle il travailla pendant plusieurs années. Aux côtés de Lancelot, il peignit des

  1. Pierre Bautier, op. cit.
  2. Van Mander, Schilderboek.