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Le Jugement dernier de van Orley (musée d’Anvers) contemporain de celui de Prévost atteste une autre entente du style monumental de Rome ; Prévost, malgré tout, reste primitif. Sans doute ne demandait-il qu’à marcher de l’avant. Mais le milieu brugeois n’était pas très propice. L’artiste cependant s’assimila certains genres profanes de l’école d’Anvers comme en témoigne le Vieillard et la Mort du musée communal de Bruges. Devant ce vieux comptable qui délivre un reçu à la Mort, on songe aux Banquiers et aux Peseurs d’or créés par Quentin. Le musée des Hospices possède une œuvre du maître, non signalée que je sache. Elle est très voisine comme facture du brillant Martyre de sainte Catherine du musée d’Anvers et représente, je crois, le Bon Samaritain.

Après la mort de Gérard David, Jean Prévost domine l’école de Bruges et les épigones de maître Gheraert restent ses satellites. Comme tous les artistes wallons, Prévost contribua au succès des idées méridionales. Elles rencontraient toujours une sourde résistance à Bruges et l’on ne voit pas que les chefs du mouvement italianisant aient beaucoup séjourné dans la grande Commune. A Saint-Sauveur, — on ne sait par quel hasard, — est un joli portrait, aux teintes atténuées, de Charles-Quint jeune d’après van Orley (autrefois tenu pour un Philippe le Beau par van der Goes),et l’on ne sait comment Notre-Dame se trouve être propriétaire de l’important polyptyque commandé en 1534 à Bernard van Orley par Marguerite d’Autriche pour l’église du couvent de Brou-lez-Bourg en Bresse. Van Orley mourut avant l’achèvement de l’œuvre ; Marc Gheraerdt de Bruges la termina. Placé jadis sur le maitre-autel de Notre-Dame, le polyptyque agence le Couronnement d’épines, le Portement de Croix, la Descente aux Limbes, la Déposition de Croix, autour d’un grand Calvaire central. Le van Orley du beau triptyque de la Famille Hanneton (musée de Bruxelles) est reconnaissable dans les figures groupées au pied de la Croix et dans l’ample scène de la Déposition. Marc Gheraerdt, qui fit carrière en Angleterre, y devint peintre de la reine Elisabeth et laissa sa charge officielle à son fils, n’est pas seul responsable des ombres charbonneuses qui enfument les autres parties. Les calvinistes s’attaquèrent au retable, qui fut ensuite restauré par François Pourbus le Jeune en 1589. — Nulle apparence aussi que les « drôles » de la lignée anversoise aient été goûtés à Bruges, et c’est une