Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/626

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

modelé, la prédilection pour les velours pourpres, aux œuvres du maitre des demi-figures. Du peintre de cette Deipara, aucune œuvre à Bruges. Toutefois un triptyque de l’église Saint-Jacques nous ramène à sa production maîtresse. C’est une Deipara des Prophéties ordonnée en sa partie centrale comme celle d’Anvers et peut-être antérieure. Le peintre de cette Deipara de Saint-Jacques appartient certainement à l’école brugeoise et le volet représentant saint Jean à Pathmos le dit fidèle aux doctrines de Gérard David. On a choisi comme type des œuvres de cet artiste une Descente de Croix qu’inspirent les accens dramatiques de Quentin Metsys. Conservée à la Chapelle de la confrérie du Saint-Sang, elle a dicté le nom provisoire du peintre : « Maître du Saint-Sang. » Une Mater Dolorosa de la cathédrale Saint-Sauveur n’est pas sans ressemblance avec la Vierge de cette Descente de Croix. Elle aussi garde l’accent brugeois et y mêle l’inflexion pathétique suggérée par le génie anversois. On croit qu’elle interprète une œuvre perdue de Metsys dont il existe d’autres copies : son véritable auteur serait Jean van Eeckele (1er quart du XVIe siècle) que les actes désignent parfois sous le nom de Jan van Eyeck, — ce qui aide à faire comprendre comment Jean van Eyck, par la grâce des sacristains, était devenu le peintre de cette Madone au manteau bleu, découpé sur champ d’or. Jean Prévost ou Provost se rattache à l’école anversoise. Nous sommes fondé néanmoins à le situer dans l’entourage de Gérard David. La carrière de ce maitre né à Mons, en 1462, mort à Bruges en 1529, a été esquissée par nous dans la Revue[1]. Examinons seulement ses œuvres conservées à Bruges en démêlant leurs tendances. Ses œuvres ? Le Jugement dernier peint en 1515 pour la salle échevinale de l’Hôtel de Ville est la seule peinture de Prévost qui soit d’authenticité certaine. Intéressante quant au traitement du nu, elle manque d’unité, ajoute un portail gothique à un autel renaissance, fait alterner les ingénuités physionomiques de Gérard David, avec des mièvreries qu’on dirait empruntées aux nymphes botticelliennes. Jean Prévost est un héraut du früh Barok septentrional. Son Enfer sans vigueur est inspiré de Bosch. Mais on l’a dénaturé. En 1550, le Magistrat de Bruges chargea Pierre Pourbus d’effacer de ce tableau un char menant des ecclésiastiques dans les flammes.

  1. Cr. notre article sur la Peinture wallonne, 15 septembre 1911.