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Il est rare aussi que l’Enfant apparaisse complètement dévêtu.

Gérard David fut reçu par la Gilde anversoise en 151S et y rencontra Quentin Metsys. Il s’inquiéta des recherches de dynamisme et de mise en pages de la nouvelle école. Il y paraît dans sa Transfiguration (église de Notre-Dame), œuvre peu agréable et de matière d’ailleurs usée. Les trois apôtres ont des attitudes mouvementées, diverses, mais gauches. Le Christ, fort noble, semble rigide à côté des disciples agités. Le paysage est d’une maigreur et d’une douceur péruginesques. L’impuissance à synthétiser les élémens nouveaux qui affluent dans l’art est manifeste. La grâce de Bruges en revanche se concentre dans une série de petites Madones des dernières années du maître. Celle du musée de Bruxelles est une « petite maman » qui donne le potage à l’enfant ; le petit Jésus est si désireux de ne point perdre une goutte qu’il s’apprête à lécher la cuillère. Et à travers la fenêtre ouverte, l’eau sommeillante où glissent des cygnes est un coin du Minnewater actuel.

Gérard David aurait dirigé avec sa femme un atelier d’enluminures. Ses types, ses paysages, ses groupemens se reconnaissent dans les deux tiers du Bréviaire Grimani, chant du cygne d’un art avant tout flamand, flamme suprême des fastes de Bruges. L’italianisme se répand dans le Bréviaire où les tendances anversoises s’imposent. Il est significatif que les plus remarquables successeurs de maître Hheraert : Joachim Patinir, Jean Gossart, le maître des demi-figures, prennent rang dans l’école d’Anvers. Pourtant la parole mesurée et conservatrice de Gérard David fut écoutée à Bruges même par Albert Cornélis, Ambrosius Benson, Adrien Ysenbrant, Jean Prévost, d’autres encore[1]. Ils furent fidèles à la ville où leur maître dormait son dernier sommeil. Gérard David était mort à la date du 15 avril 1523. Sa femme lui survécut et se remaria en 1529. Maître Gheraert fut enseveli sous la gigantesque tour de Notre-Dame. Que de souvenirs les vieux clochers érigent à la lumière du ciel !


D’Albert Cornélis, qui vécut à Bruges dans le premier tiers du XVIe siècle, on ne connaît que le Couronnement de la Vierge (église Saint-Jacques) commandé par les doyens des Foulons,

  1. C’est M. Hulin qui a jeté le plus de clartés sur l’école de Gérard David. Cf. son Catalogue des Primitifs. Siffert, Gand, 1902.