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Gérard David pour le Juge juif, qu’on voit dans un fragment de triptyque au musée d’Anvers.) Sisamnès, frappé de stupeur, regarde devant lui tandis qu’on l’arrête. Une vingtaine de personnes assistent à la scène. A droite et à gauche du trône judiciaire, des médaillons en camaïeu s’incrustent dans la muraille et semblent inspirés de décorations florentines. Au-dessus du trône, des amoretti tiennent des guirlandes de fleurs, de feuillages, de fruits, pareilles à celles des madones attribuées aux dernières années de Memlinc, mais d’une rigueur plus mantegnesque. Les armes de Philippe le Beau et Jeanne d’Aragon blasonnent la muraille. A travers les baies du fond, bien mis en perspective, un carrefour de Bruges (la place Saint-Jean fermée par l’ancienne Poorters looge ?) ; sur cette place une grande maison bourgeoise avançant son perron avec toit en voûte ; et, dans cette sorte de niche un homme remettant un sac d’or au juge. — Dans la seconde composition le juge est étalé nu sur la table du supplice, le pied et le bras droits liés par des cordes, la poitrine calée par des pitons de fer plantés aux aisselles. Quatre tortionnaires lui enlèvent avec méthode des lanières de peau, ce qui le fait crisser des dents. Les muscles de la jambe gauche sont mis à nu et le bourreau, couteau aux lèvres, retourne la peau du pied comme on ferait d’un gant. Etonnant prélude à la Leçon d’Anatomie ! La justesse à peindre des scènes horribles égalait chez ces Flamands leurs douceurs à rendre des émotions mystiques... Les raffinemens de l’histoire d’Hérodote sont rappelés fidèlement par Gérard David. La peau de Sisamnès, dûment travaillée, remplace sur le trône du juge le drap d’or du premier tableau, et le fils de l’écorché, devenu juge à son tour, est assis à la place de son père. — Comme dans le Jugement, les spectateurs, trop serrés les uns contre les autres, ont tous la tête au même niveau, et cette « isocéphalie » est un trait harlemois de l’art de Gérard David. Bouts s’évoque par le sérieux et le choix des types ; mais l’unité de l’action est plus marquée que dans la Légende d’Othon du pourtraiteur de Louvain. Les ombres brunes indiquent une vague connaissance du sfumato léonardesque, tandis qu’un détail trahit le miniaturiste, héritier des van Eyck : à droite du roi Cambyse, dans la scène de l’arrestation, le casque miroitant d’un soudard reflète l’image de l’église Saint-Jean à Bruges.

En 1498, le maitre termina pour l’Hôtel de Ville de Bruges