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allant parfois jusqu’à les reproduire dans ses peintures. Memlinc le toucha plus que tout autre. N’est-il pas naturel d’ailleurs qu’un maître illustre et vivant impose avec force son ascendant ? Rapidement initié aux grandeurs brugeoises, Gérard David était admis, le 14 janvier 1484, dans la Gilde de Saint-Luc et devenait quatrième juré de la corporation quatre ans plus tard. En 1488, premier travail pour la ville ; travail étrange. Après un séjour d’un mois au Cranenburg, Maximilien avait été transporté dans une maison que Jean de Gros venait défaire construire. Les Brugeois le gardèrent six semaines dans cette nouvelle prison. Voulurent-ils la rendre moins morose ? Toujours est-il que Gérard David fut chargé de peindre en rouge les grilles de fer qui barraient les fenêtres de la demeure.

Premier juré de la Gilde en 1495-96 et en 1498-99, « maître Gheraert » fut doyen de la corporation en 1501. Il avait épousé en 1496 une miniaturiste de talent, Cornélia Cnoop, fille du riche doyen des orfèvres. En 1509, il était admis dans la patricienne confrérie de Notre-Dame de l’Arbre-Sec, et en 1509, il offrait, — luxe jusqu’alors ignoré des peintres, — un retable (le chef-d’œuvre du musée de Rouen) au couvent des Carmélites de Sion, l’un des plus aristocratiques de la ville. Parvenu au troisième stade de sa carrière, Gérard David fut donc le peintre d’un milieu riche et pieux où les modèles étaient parens de ceux de Memlinc. Les deux magnifiques tableaux de justice du musée communal de Bruges s’inscrivent en tête de la période de maturité. Reconnaissons qu’ils sont brugeois surtout par les circonstances de leur exécution. Après la révolte de 1488, l’écoutète Peter Lanchals et d’autres magistrats furent accusés de prévarication, jugés, condamnés, décapités. Les nouveaux magistrats, pour maintenir leur pensée dans des sphères incorruptibles, décidèrent de commémorer cette œuvre de brutal assainissement. Bruxelles et Louvain possédaient des tableaux de justice. Bruges voulut avoir les siens et s’adressa à Gérard David. : En deux compositions il exposa l’histoire du juge Sisamnès rapportée par Hérodote et connue sans doute à Bruges par une version de Valerius Maximus.

Dans le premier tableau, Cambyse, vêtu de brocart et d’hermine, prononce un réquisitoire contre le juge prévaricateur et de ses doigts ornés de bagues il énumère les chefs d’accusation. (Ce roi barbu, aux cheveux bruns et bouclés avait servi jadis à