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la résignation. Sous la menace de leurs canons, ils voulurent forcer les navires cinglant vers Anvers à payer un droit. Délogés de leur fortin, ils acceptèrent que leurs amis de l’Ecluse s’alliassent aux pirates. Mais Anvers, accueillante aux principes modernes du libre-échange, protégée par la politique libérale des ducs de Bourgogne, favorisée par la découverte du Nouveau-Monde, devenait à son tour le premier comptoir d’argent et le centre commercial du Nord. Les derniers soutiens de Bruges, les Hanséates, finirent eux aussi par émigrer vers la nouvelle métropole. Sous Philippe II, le Zwin se fermait à jamais pour devenir peu à peu un désert de sable.

Gérard David se rendit à Anvers en 1515. La triple action religieuse, politique, littéraire de la Renaissance s’exerçait déjà avec force sur le milieu anversois. Des genres nouveaux naissaient, exprimant des aspirations plus profanes, plus individualistes, plus « réalistes. » Metsys lui-même, grand maitre mystique dans sa sublime Déposition, inspire par ailleurs l’école des « drôles » et déjà l’Italie, — sinon celle de Raphaël, du moins celle de Luini et de Francia, — modifie par endroits sa sensibilité native. Gérard David subit, lui aussi, des empreintes méridionales. Elles ne l’éveillent pas de la rêverie mystique où l’ont plongé l’admiration des maitres brugeois et le charme de la vieille cité. Et après lui quelques disciples portent à leur tour le flambeau d’une école qui veut vivre dans une ville où tout meurt...

Van Mander ne savait plus rien de Gérard David, sinon que Pourbus le tenait pour un grand artiste[1]. L’exposition des Primitifs de 1902 l’a popularisé et classé parmi les princes de la peinture flamande. Il naquit à Oudewater dans la Hollande méridionale, aux environs de l’année 1460, et ses premières œuvres sont d’un paysagiste préoccupé des aspects individuels de la nature, rattaché aux maitres de l’école de Harlem, Albert van Ouwater, Thierry Bouts, Gérard de Saint-Jean, et sollicité en outre par la vie de l’âme. Son arrivée à Bruges en 1483 ouvre une seconde période dans sa carrière, période de transition, de recueillement, d’assimilation pendant laquelle il étudia des chefs-d’œuvre de van Eyck, Roger, van der Goes, Memlinc,

  1. C’est M. J. Weale qui a tiré G. David de l’oubli. Cf. son Gérard David painter and illuminator. Londres, 1895. Plus heureux que Memlinc, G. David a fait l’objet d’une monographie remarquable : Bodenhauser (E. von) Gérard David und seine Schule. Bruckmann, Munich.