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Le pieux et familial retable de Jacques Floreins (Louvre) est contemporain de celui de Moreel et rassemble le donateur, sa femme, leurs Dix-huit enfans, présentés à la Madone par saint Jacques Majeur et saint Dominique. Le diptyque de Martin de Nieuwenhove (musée de l’Hôpital), achevé en 1487, ornait primitivement la salle des directeurs de l’hôpital Saint-Julien ; il fut enlevé par les Français en 1794, rendu à Bruges en 1815 et déposé à l’Hôpital Saint-Jean. Martin van Nieuwenhove, futur bourgmestre de Bruges, n’avait que vingt-trois ans quand Memlinc fît son portrait en y mettant le meilleur de son génie : tendresse, ingénuité, ferveur. Sur l’autre panneau du diptyque, la Vierge présente une pomme à l’Enfant ; l’idéalité de la madone ne va pas sans une légère fadeur ; mais une harmonie vaporeuse de teintes claires, azurées, duvetées comme du pastel justifie la popularité de la fine icône.

Les mêmes grâces délicates et un peu superficielles font le charme de la fameuse Châsse de sainte Ursule. Inaugurée solennellement le 21 octobre 1489par l’évêque Gille de Baerdemaker, cette fierté en forme d’édifice gothique renferme des reliques rapportées de Terre Sainte et offertes à l’Hôpital par Anselme Adornes, conseiller et ambassadeur du Téméraire. Les peintures terminées un peu avant 1489 comprennent huit panneaux et six médaillons. A l’une des extrémités, Marie avec l’Enfant protège deux sœurs de l’Hôpital : Jossine van Dudzeele et Anna de Moortele ; de l’autre côté, sainte Ursule abrite des compagnes sous son manteau. La légende, telle que le peuple la contait alors, se déroule sur les grands côtés en six compositions. La plus belle de ces scènes représente le pèlerinage de sainte Ursule arrivant à Rome ; le grandiose de la Présentation au Temple du triptyque de Jean Floreins y reparaît. La plus pittoresque des compositions est la dernière ; un archer élégamment cuirassé, en qui on a voulu reconnaître le fameux Dschem, frère du sultan Bajazet, ajuste la sainte défaillante. Dans cette jolie page, le peintre évoque les camps fastueux du Téméraire avec l’art fidèle et charmant d’un chroniqueur de la Cour de Bourgogne. Les médaillons du toit sont ou des travaux d’élèves ou des peintures maltraitées par les restaurateurs. Il s’en faut d’ailleurs que la Châsse soit le chef-d’œuvre de Memlinc. « Chef-d’œuvre de patience, plus voisin de la bijouterie que de l’art véritable, » a dit Vitet avec raison. Et il a comparé