Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des liens logiques rattachent les petits épisodes johanniques du Mariage les uns aux autres, renforcent l’unité et la signification symbolique de l’œuvre, en même temps qu’ils rendent tangible le charme de Bruges par l’évocation d’un coin de la cité.

A quoi bon tenter une nouvelle analyse technique du chef-d’œuvre, et redire maladroitement après Fromentin la beauté de la sainte Catherine (Marie de Bourgogne ?) au visage exquisement juvénile, de la sainte Barbe (Marguerite d’York ?) aux paupières baissées, et l’attrait de ce clair-obscur emprunté à Jean van Eyck, mais employé avec des souplesses nouvelles et des distances plus fines entre les demi-teintes et les lumières ! Derrière la peinture on soupçonne une trame d’or, comme dans la Madone van der Paele, et quoi de plus admirable que ces petits anges sombres portant la couronne de Marie et volant devant un bandeau rouge du trône virginal ! Le volet de droite souligne à merveille la place de Memlinc dans l’art flamand en découvrant sa filiation avec Thierry Bouts, en révélant ce que Gérard David et Quentin Metsys lui devront. La Salomé de Metsys, coquette sinon casuiste, est en puissance dans celle de Memlinc. Van Eyck et van der Goes eussent reconnu l’œuvre d’un grand disciple dans les portraits des revers et de plus, à travers ces images, la ferveur de Bruges les eût touchés comme nous-même. Il est vrai que, dans son constant souci d’angélisation, de grâce surhumaine, Memlinc n’échappe pas à quelque formalisme ; il le rachète, — et dans quelle œuvre plus que celle-ci ? — par une douceur irrésistible, un rythme des masses jusqu’alors inconnu, une plus délicate observation des chairs, un mélange sans précédent de beauté humaine et de séduction céleste.

C’est vers 1475 que sortirent de l’atelier du maître la petite Passion du Christ (Pinacothèque de Turin), le charmant diptyque du Louvre : la Vierge de Jean du Gelier, les beaux portraits de Guillaume Moreel et de sa femme Barbara de Vlaemderberghe du musée de Bruxelles ; c’est de 1479 que date le ravissant triptyque de Jean Floreins, alias van der Ryst, autre joyau du musée de l’Hôpital. De tous les frères de la communauté, Jean Floreins échappa seul à la peste qui décima Bruges en 1489. Craignant de voir s’éteindre l’institution, il commit l’imprudence de recevoir comme frères quatre domestiques et quelques convalescens. Au lieu de soigner les malades avec zèle, ils négligèrent leur tâche, accusèrent Floreins d’avoir dissipé