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repeints sensibles sur le volet de saint Jean à Pathmos). Le motif du triptyque de Sir John est repris dans le Mariage mystique, mais modifié au point d’aboutir à une conception nouvelle. Les deux saints Jean qui figurent dans les volets du triptyque de Devonshire paraissent cette fois dans la partie centrale aux côtés de la madone et derrière sainte Catherine et sainte Barbe. On ne reprochera pas à l’Enfant Jésus d’être un nouveau-né rabougri comme l’Enfant de van Eyck ; c’est un joyeux bambin à qui Memlinc donne pour compagnons de jeux des anges ravissans, — un petit organiste entre autres au sourire presque luinesque, — qui font partie de la Sainte Famille. Derrière cette sacra conversazione, de fines colonnettes se couronnent de chapiteaux historiés montrant notamment la Résurrection de Drusiane qui, aux yeux de certains critiques, représentait Memlinc malade emporté sur un brancard... Les épisodes de la vie des deux saints Jean se répartissent dans un paysage urbain vu à travers les colonnettes et s’achèvent dans les sujets des volets. Au fond du volet de droite, Salomé danse devant le tétrarque et au premier plan la fille d’Hérodiade tient un plateau sur lequel le bourreau pose la tête du Prophète. Le volet de gauche, — saint Jean à Pathmos, — rassemble les diverses visions de l’Apocalypse. A l’extérieur sont les portraits des donateurs, les deux frères Antoine Seghers et Jacob de Kueninc avec leurs patrons et les deux sœurs Agnès de Casembrood et Clara van Hulsen avec leurs patronnes.

Le retable glorifie la Vierge, le Sauveur, les deux patrons de l’Hôpital Saint-Jean et la double vocation des frères hospitaliers voués au Christ (comme sainte Catherine) et aux œuvres actives (comme sainte Barbe). La scrupuleuse fidélité du peintre aux textes sacrés amène quelque confusion dans les visions de saint Jean à Pathmos, et cette complication s’aggrave de quelque coquetterie. Promenant la Famine, la Guerre, la Peste et la Mort sur les rives étalées au milieu du panneau, Memlinc prend un plaisir spécial à imiter les reflets dans l’eau. Ce peintre adorable ne saurait renoncer aux grâces extérieures, même dans les pages où il met toute son âme. Ne risque-t-il pas avec les élégances de sainte Barbe et de sainte Catherine de verser dans les joliesses d’un peintre de la mode ? Il entend rivaliser pour la grâce des détails, la vérité contemporaine et locale, avec les miniaturistes Simon Marmion, Guillaume Vrelant, Louis Liédet. D’ailleurs,