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Le gothique noirci des pignons se décalque
En escalier de crêpe au fil dormant de l’eau...


Van Mander dit que Memlinc Horissait avant Pourbus, et qu’en échange de sa fierte de l’Hôpital Saint-Jean, on offrit plusieurs fois une châsse en argent pur. C’est tout ce que l’auteur du Schilderboek sait de maître Hans. Au XVIIe siècle, on racontait que Memlinc avait peint la fierté en reconnaissance des services que lui avaient rendus les frères de l’Hôpital. En 1753, Descamps imagine la légende du peintre Jean Hemmelinck, né A Damme au temps des van Eyck, soldat libertin, réduit à la misère et à qui un séjour à l’Hôpital Saint-Jean « ouvrit les yeux sur le dérangement de sa conduite. » Pour Viardot (1843), l’artiste, amoureux de la religieuse qui le soigne, reproduit dans ses œuvres « les scènes de l’Hôpital telles qu’il avait pu les contempler. » Chez Michiels, Memlinc revient à Bruges après le siège de Nancy, pâle, défait, les vêtemens en lambeaux ; il sonne à la clochette du monastère de Saint-Jean et s’évanouit ; recueilli par les frères, le malheureux lentement retrouve la santé ; il redemande ses pinceaux « au retour des mois embaumés, » tandis que le printemps chasse « les troupeaux de nuages qui blanchissaient les plaines du firmament[1]. »

Cette légende est aujourd’hui réduite à néant. Memlinc doit être né à quelques lieues de Mayence, au village de Mömling ou Mumling. Il adopta le nom de son lieu de naissance auquel les scribes brugeois donnèrent une physionomie de nom west-flamand. (Dans les textes contemporains le nom du maître se termine trente-deux fois par inc, quinze fois par ync, une fois par yncghe, une fois par ynghe et jamais par ing.) Hans Memlinc naquit vers 1430. Sans doute alla-t-il habiter d’abord Cologne ; il a figuré strictement, fidèlement les monumens de la grande ville rhénane dans sa Châsse de sainte Ursule. Fit-il son apprentissage dans l’atelier de Stephan Lochner ? Pour le prouver, il est insuffisant de souligner des affinités de sentiment entre les deux artistes et des réminiscences du Jugement dernier de maître Stephan dans celui de Dantzig attribué à Memlinc. Hans fut-il

  1. La bibliographie de Memlinc est considérable (Cf. la liste publiée par M. J. Weale en tête de son Memlinc des Great masters. Londres, G. Bell, 1901). Pourtant il n’existe pas de monographie digne du génie de maître Hans.