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Il n’y a pas d’œuvres de Petrus Christus, de Roger van der Weyden, du maitre de Mérode à Bruges ; mais leurs noms et leurs personnalités ne sauraient se détacher de l’histoire artistique de la ville. Né à Baerle sur la frontière hollandaise, admis dans la bourgeoisie brugeoise en 1444, mort en 1473, Christus est un paysagiste de mérite, un « accessoiriste » de génie (surtout dans son saint Éloi considéré comme la première en date des peintures de genre) et de plus, il marche résolument dans la voie de l’individualisation ouverte par les van Eyck. Son Jugement dernier de Berlin (1452), réplique de l’œuvre eyckienne de l’Ermitage, range auprès du Christ des apôtres plus variés de visage que ceux de l’œuvre originale. De Roger van der Weyden, rapidement annexé à l’école brugeoise (Rugerius Bnigiensis, dit Cyriaque d’Ancône ; Ruggieri da Bruggia, écrit Vasari)[1], Bruges possédait jadis un chef-d’œuvre. C’était une Vie de saint Jean-Baptiste donnée à l’église Saint-Jacques en 1476, — une douzaine d’années après la mort de l’artiste, — par Baptiste del Agnelli, négociant de Pise. Albert Durer admira l’œuvre le 8 avril et la nota dans son Journal de voyage en même temps qu’une composition de van der Goes ornant la même église. Une autre œuvre de l’illustre peintre wallon, encore conservée aujourd’hui, se voyait jadis dans une commune des environs de Bruges, Middelbourg. C’est le triptyque de la Nativité du Kaiser Friedrich-Museum : « l’exoration colorée la plus pure qui soit dans la peinture[2]. » Ce retable fut commandé à Roger vers 1460 par le maistre d’hostel de Philippe le Bon, Pierre Bladelin, pour le village de Middelbourg fondé par lui. La Vie de saint Jean-Baptiste de l’église Saint-Jacques était sans doute conçue dans l’esprit narratif de la Nativité de Bladelin et avec un bonheur pareil dans la concrétisation des symboles. Mais ni le retable d’Agnelli, ni celui du célèbre « maistre d’hostel » ne renseignaient sur la puissance dramatique de van der Weyden, moins préoccupé dans sa Descente de Croix de l’Escurial de traduire les

  1. Van Mander mentionne deux Rogers ; l’un est le grand fondateur de l’école de Bruxelles ; l’autre est désigné par le vieux chroniqueur sous le nom de Roger de bruges. Les deux Rogers du Livre des Peintres ne sont sans doute qu’une seule et morne personnalité : Roger de la Pasture, dont nous avons entretenu les lecteurs de la Revue en septembre 1911.
  2. Huysmans : la Cathédrale.