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donc finir ces petites plaisanteries. Je veux me retirer des affaires, je ne veux plus que la tranquillité ; je compte m’établir à la campagne en France ou en Angleterre. Je préfère la France.

« J’ai laissé au ministère des bas et différentes choses que je vous prie de m’envoyer à la campagne. Signé : POLIGNAC. »


Cette lettre prouve qu’il a perdu la tête entièrement ; elle est datée de Saint-Lô où on l’a arrêté. Il a fait mille maladresses pendant sa fuite ; rien au monde n’eût été plus facile pour lui que de se sauver, d’autant plus que le ministère actuel ne demandait pas mieux que de le savoir libre, le nouveau gouvernement ayant intérêt à éviter un procès dont le dénouement lui sera toujours funeste. M. de Polignac avait poussé la pruderie jusqu’à ne pas vouloir habiter dans la même maison que Mme de Saint-Fargeau, bien qu’il se fit passer pour le domestique de cette dame. Il se logea donc dans une autre maison. Comme il était un peu souffrant, cette bonne, mais imprudente Mme de Saint-Fargeau passa sa journée à le soigner. Cette circonstance jointe à un gros diamant que ce prince domestique portait sur une bague le fit découvrir.

Le Dauphin s’est conduit pendant toute cette affaire d’une manière peu chevaleresque, ainsi que le prouve la scène affreuse qu’il fit au maréchal Marmont. Il le traita de lâche et lui arracha son épée que le maréchal, peu d’heures auparavant, avait tirée pour le défendre et voulut la casser, mais malgré tous ses efforts, il n’y parvint pas et la jeta dans un coin de la chambre. On peut juger de l’état du maréchal maltraité ainsi par ceux auxquels il s’e.st dévoué au péril de sa vie.

Le duc de Polignac est tout aussi irréfléchi que son frère. Voici un détail que je tiens du prince de Bauffremont, qui était présent à la scène que je vais rapporter. C’était encore à Saint-Cloud, la Cour était au moment de quitter ce château ; M. de Hocquart et autres étaient à parler des terribles événemens du jour et celui-ci, sans remarquer que le duc de Polignac était présent, dit :

— Il est incroyable que, dans un gouvernement représentatif, on veuille rendre le Roi responsable de ce qui s’est passé ; ce sont les ministres, qui en ont toute la responsabilité, qui doivent en être punis.