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croyait devoir ménager. Eh bien ! ces vilaines gens ont abandonné leur maîtresse, et pour comble d’infamie, ils se sont emparés de quantité d’effets, ainsi que le linge et une grande partie de la garde-robe de Madame, qu’ils firent transporter sous escorte hors la barrière et là ils se les partagèrent avec les autres domestiques, ce qui a fait que Mme la Duchesse de Berry s’est trouvée dénuée de tout. La ménagère de Rosny, femme que cette princesse ne protégea pas moins que le ménage Sauton, ne s’est pas mieux conduite pour elle.

Mme de Mun vient d’arriver ici avec Mme d’Astorg, sœur de Mme d’Oudenarde. M. et Mme d’Astorg ont aussi tout perdu, il ne leur reste que des dettes et des enfans. Une chose bien triste pour tout ce monde, c’est qu’il doit se dire que tout a été perdu par un manque de réflexion, par un moment d’indécision. Si l’on avait donné des ordres aux troupes qui étaient réunies en ce moment aux camps de Lunéville et de Saint-Omer, elles auraient au moins entouré le Roi ; il aurait pu se retirer dans quelque place forte et il aurait pu traiter. Mais on avait perdu la tête. L’armée en grande partie est au désespoir, honteuse d’avoir été battue par la populace de Paris, par les étudians, par des tailleurs et des cordonniers. C’est des mains de ces misérables qu’elle a dû accepter la cocarde tricolore.

Le Roi était encore à Rambouillet et déjà on vendait à Paris les caricatures les plus infâmes, les plus indécentes qui représentaient ces malheureux souverains fugitifs. Il n’y a que Madame qui y a échappé. Il y a encore tous les jours des attroupemens dans Paris ; ce sont des ouvriers qui demandent tous les jours autre chose. Le gouvernement en a fait expédier six qui doivent avoir été les principaux moteurs de ces rassemblemens ; on les a exécutés en cachette, de peur d’exciter du mécontentement. Voilà des traits de ce gouvernement éminemment libéral. Un despote de l’Asie à peine se permettrait chose semblable.


Dieppe, 20 août. — J’ai été hier chez M. de Biron, qui m’a fait la lecture d’une lettre que son beau-père, M. de Mun, lui a envoyée. Celui-ci la tenait de M. Mole lui-même, à qui elle a été adressée par M. de Polignac. Elle est conçue à peu près dans ces termes :


« Mon cher collègue, — Me voilà votre prisonnier ; faites