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aura-t-il assez de force pour se soutenir ? Aujourd’hui déjà, alors qu’il n’est pas encore monté sur le trône, on lui dit des choses bien dures, comme par exemple « de se souvenir combien sont fragiles les grandeurs de ceux dont sont fragiles les sermens. » Cela veut dire tout simplement : « Prenez garde à vous, nous allons vous mettre sur le trône, nous pourrons aussi vous en faire descendre. »

Maintenant que le peuple se sent le plus fort, ces messieurs à la tête des affaires en ont peur et ne savent plus comment le contenir. C’est la république que l’on veut d’un côté, et un gouvernement monarchique limité de l’autre. Mais ce gouvernement qui est beaucoup plus gouverné qu’il ne gouverne, comment fera-t-il pour arriver à sa monarchie, toute limitée qu’elle doit être ? Le seul moyen pour y parvenir, c’est d’endoctriner les basses classes, de les flatter et les effrayer avec quelque chose, mais avec quoi ? Le peuple est en ce moment tellement rempli de ses hauts faits que tout se présente facile à ses yeux. La seule chose avec laquelle on peut lui en imposer en ce moment, c’est le retour de la branche ainée des Bourbons. Le gouvernement d’aujourd’hui s’en sert donc comme d’un épouvantait vis-à-vis d’une populace qui ne veut plus obéir.


Dieppe, 11 août. — La princesse de Léon vient de m’envoyer la petite lettre que Mlle de France vient d’écrire à elle et à ses enfans, la voilà telle quelle :


« Ma chère Osine, je suis bien affligée de tout ce qui se passe, mais je le suis doublement quand je pense que je suis éloignée de vous, ce qui m’arrive bien des fois par jour. Votre mère vous écrit. Elle a eu bien raison de vous envoyer Josselin. Vous devez être tranquille à Dieppe. Mon cher petit Fernand, comment se porte-t-il ? et les bains de mer lui font-ils du bien ? Isabelle, Louise, chères petites, vont bien, j’espère. Les bains, leur font-ils plaisir ? Je leur envoie mes hest love et vous aime presque plus tous (s’il est possible de vous aimer plus que je ne vous aimais) éloignés si longtemps et nous dans le malheur ; nous rencontrons des gens quelquefois très bons. O Fernand, que tous les malheurs de la France doivent vous faire de la peine ! mais notre peine est bien grande, je suis sûre que vous en éprouvez autant que moi et nous ; mes idées se portent souvent