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autour de moi, que d’existences détruites ! Il est presque certain qu’il n’y aura plus de pairs héréditaires ; ce sera la Chambre des députés, dit-on, qui nommera les pairs à vie ; ce sera une belle réunion de gens !

M. de Chateaubriand se prépare en ce moment à nous jouer une belle comédie bien sentimentale ; il veut porter le Duc de Bordeaux devant la Chambre héréditaire ; il fera de superbes phrases, ce seront de belles paroles, tout cela pour nous jeter la poudre aux yeux. M. de Chateaubriand, nous diront ses amis, couronne sa belle vie ; il est le seul qui défend la famille royale, cette famille qui s’est montrée si ingrate envers lui. Tout cela est préparé d’avance ; il est sûr de ne point se compromettre par une semblable démarche, elle ne peut avoir aucun résultat.

M de Flahault vient d’arriver de Brighton pour se rendre à Paris ; c’est un grand libéral et ami des d’Orléans et, malgré cela, il trouve que l’on est allé trop loin et qu’il aurait mieux valu brider Charles X que faire le Duc d’Orléans Roi. Mme de Flahaut, née Lady Knigth, une véritable tricoteuse, a sauté de plaisir, au reçu des nouvelles de la révolution, au point qu’elle est devenue insupportable, même à son mari qui s’en est plaint à Mme Potocka,

Après la séance royale, la Duchesse d’Orléans se rendit avec sa famille dans la salle attenante à la Chambre des députés pour y attendre le Duc ; plusieurs pairs la trouvèrent dans cette salle et lui firent leurs complimens ; un des premiers fut le duc de Caraman.

— Je vous remercie bien, cher duc, lui dit la Duchesse d’Orléans, de cette preuve de votre attachement. Vous connaissez mon cœur et vous concevez combien il doit souffrir de tout ce qui se fait.

On dit que cette princesse ne fait autre chose que pleurer toute la journée.


Dieppe, 7 août. — Le prince de Bauffremont, aide de camp de Mgr le Duc de Bordeaux, a quitté la famille royale à Rambouillet ; il est allé chercher sa femme à Courtalin et nous l’amena à Dieppe par mille détours pour ne point passer par Paris. Le Roi a quitté Rambouillet avec six voitures, à peine suffisantes à les contenir tous. Le prince de Bauffremont s’était offert de les accompagner, mais Mme de Gontaut lui a dit qu’il n’y