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avec lord et lady Stuart, la princesse de Vaudemont, le ministre des Pays-Bas, la duchesse d’Escars et encore quelques hommes dont il ne me souvient plus. Le soir, nous avions quelques visites qui vinrent pour nous faire leurs adieux : parmi ces personnes étaient le duc et la duchesse de Rauzan, la marquise de Podenas et autres. Le comte Litta, Milanais et grand chambellan de Russie, qui se trouve en ce moment à Paris, fut aussi une des visites de ce soir ; il vint avec son neveu de ce nom, qui est attaché aspirant et qui travaille en attendant dans notre chancellerie d’État. Il a eu la permission de passer quelques jours à Paris.

Le comte Litta avait épousé la mère de la princesse Bagration ; il a perdu sa femme depuis peu et est venu à Paris pour voir sa belle-fille et pour lui remettre les superbes diamans de sa mère.

Le pauvre Amédée de Bourmont a été bien grièvement blessé ; une balle lui a traversé le corps. Le Roi, à cette occasion, a fait complimenter sa malheureuse mère ; on a cependant des nouvelles plus rassurantes sur son compte, et il est même tout à fait hors d’affaire, à ce que l’on dit.

Dieppe, 26 juillet. — Entre les personnes marquantes qui se cachent à Dieppe, il y a Mme d’AIopeus et Mme Récamier. Mme d’Alopeus prétend que toutes nos grandes dames l’effrayent ; il n’y a vraiment pas de quoi. Lorsqu’on est douce et sans prétention comme elle, qu’on ne cherche pas à enlever quelque adorateur, alors on est très bien reçu par nos dames ; mais il faut renoncer à avoir un salon rempli d’aspirans, de soupirans et d’expirans, ainsi que cela est le cas chez Mme d’AIopeus, à Berlin. À la voir, on le conçoit : sa douceur charme, et son organe jeune et sonore vous fait oublier qu’elle a quarante ans ; ma vue basse me fait encore plus d’illusion.

S’il n’y avait pas tant de polissons à Dieppe, j’aimerais beaucoup à dessiner d’après nature ; mais ils m’entourent, me gênent beaucoup et cependant je ne puis me résoudre à les gronder ou les chasser parce qu’ils sont heureux ; c’est une fête pour eux de me voir dessiner ; ils ont si peu de plaisir dans le monde qu’il serait cruel de ma part de les en priver par la simple raison que cela m’ennuie. Demain, il y a grand bal que la ville nous donne.