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Mlles de Beauvillers et de Mortemart vinrent à notre rencontre et nous dirent mille choses bienveillantes et aimables. Les premiers jours, le temps fut affreux ; nous fûmes confinés dans l’intérieur du château et réduits aux plaisirs d’un salon de Paris. La petite société qui s’y trouvait était composée de plusieurs parons et parentes des Noailles, ainsi que le vicomte Henri de Mortemart, le duc de Mortemart, la comtesse de Saint-Aldegonde, belle-sœur de ce dernier avec ses deux filles, le comte Maurice de Noailles, neveu du duc, Mlle de Girardin, gouvernante de Mme de Beauvillers et M. Mazas, auteur d’un ouvrage qui vient de paraître, intitulé : La vie des Grands Capitaines français au moyen âge.

Du matin jusqu’à cinq heures et demie où l’on alla faire sa toilette pour le diner, nous avons causé, nous avons ri beaucoup, nous sommes allés et venus des salons dans nos appartemens, de nos appartemens dans la galerie. J’ai donné aux demoiselles des leçons de valse et de galop ; nous avons dessiné, on a fait la lecture, etc.

Un jour, Mme de Saint-Aldegonde nous a donné des détails sur la Cour de Napoléon. Mme de Saint-Aldegonde fut une des dames du palais de Marie-Louise. Son premier mari vivait encore, et Mme de Saint-Aldegonde d’aujourd’hui était alors la maréchale Augereau, duchesse de Castiglione.

— Napoléon, nous dit-elle, était insupportable dans l’intérieur en ce qu’il se mêlait de tout et qu’il se donnait la peine de nous gronder en personne et il choisissait ordinairement pour cela un cercle ou autre réunion à la Cour, ce qui amenait des scènes effroyables ; aussi en avions-nous une peur indéfinissable.

Pendant notre séjour à Maintenon, Mme la duchesse d’Escars avec sa sœur la comtesse de Lorges et Mme la comtesse de Cossé vinrent faire visite aux Noailles ; nous eûmes tous grand plaisir à recevoir ces dames et la duchesse m’invita avec tant de grâce à passer quelques jours dans son château que je ne pus résister à une aussi aimable proposition.

Nos soirées se passaient agréablement ; on faisait de la musique, la lecture ; on racontait des histoires de revenans, on jouait aux proverbes, on chantait ; enfin on s’amusait comme l’on s’amuse à la campagne. Tout le monde était en train de gaité, excepté Henri de Mortemart, qui avait la mine d’un