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ventre ; mais les rotondités du côté opposé à celui-ci égalent celles du devant. Malgré cela, la Reine a bonne façon, bon air, quelque chose de bienveillant et de noble en même temps ; je crois qu’elle doit cela aux mouvemens lents et surtout à la manière dont elle salue, dont elle fait ses révérences. La duchesse de San Valentino, première dame d’honneur de la Reine, est inconcevable de tournure, de figure, de manières, de tout enfin ; ce qui me désarme, c’est qu’on la dit la meilleure femme du monde. La toilette de la Reine était très soignée. Le prince de Cassaro, maintenant ministre des Affaires étrangères et autrefois ministre plénipotentiaire à Vienne, est très bien de tournure et de manières. Ce soir, il y a spectacle aux Tuileries ; l’on donnera le Comte Ory et la Belle au bois dormant.

Les nouvelles d’hier nous disent que le roi d’Angleterre est à toute extrémité. La fête qui aurait dû avoir lieu à Bagatelle est remise à cause de cela. Nous avons été hier chez la duchesse de Gontaut, à Saint-Cloud ; on m’a cité une phrase que cette dame a dite à propos de la première entrevue des deux souverains, que l’on trouve fort spirituelle ; la voilà textuellement : « Le roi de France a dit au roi de Naples tout ce qu’il voulait dire à cette occasion, et le roi de Naples a dit tout ce qu’il pouvait dire. » J’avoue que je n’ai pas assez de finesse pour saisir l’esprit de ce mot.


18 mai. — L’ordonnance de dissolution de la Chambre a paru hier soir. C’en est fait, le prince de Polignac se flatte d’avoir dans la nouvelle Chambre une majorité de trente voix ; il en est sûr même.

On commence à croire maintenant que l’expédition d’Alger ne sera pas chose aussi facile qu’on a pensé dans les premiers momens ; cependant, tous ceux avec lesquels j’ai parlé et qui s’y entendent, m’ont assuré que la chose était immanquable. Mais, la guerre finie, que fera-t-on du territoire conquis ? Le rendra-t-on au dey, et les dépenses de 100 millions seront-elles faites seulement pour donner un moment de popularité au ministère, dont il n’a pas besoin et qu’il n’acquerra jamais ? Ou bien veut-on en faire une colonie. » Ceci, certes, donnerait de la force au ministère Polignac ; mais l’Angleterre et les autres puissances de l’Europe, que diront-elles à cette augmentation de territoire et de puissance maritime ? Ce sont des nuages épais qui