Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/567

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ordonnance le droit de sa succession en Espagne ; l’on ignore qu’il existe un acte par lequel la France renonce à cette succession. Ce traité date du temps de Louis XIV ; l’abolition de la loi salique en Espagne ne regarde donc nullement la France. Les journaux libéraux, comme à tout propos, se déchaînent contre le ministère ; l’ambassadeur d’Autriche et l’affaire des titres y sont aussi touchés.


15 mai. — En revenant aujourd’hui de Suresnes, où l’ambassadrice et moi avons été faire visite à la princesse de Vaudemont, nous nous sommes trouvés présens à la barrière de l’Étoile, au moment de l’entrée du roi de Naples. Il était dans la même voiture avec le roi de France, avec la Reine son épouse, Madame la Duchesse de Berry et le Duc de Bordeaux. Ils sont tous descendus à l’Hôtel de l’Elysée-Bourbon. Le Roi et Madame y ont mis les pieds pour la première fois depuis l’assassinat du Duc de Berry ; aussi ont-ils été d’une tristesse affreuse. Madame en fut d’un changement extrême ; elle avait l’air plus vieille de dix ans. Monseigneur le Dauphin et Madame la Dauphine y sont arrivés un quart d’heure après l’arrivée du roi de Naples.

On m’a dit que le Dauphin était très content de son voyage à Toulon et que, dans le Conseil prochain, la mesure de la dissolution de la Chambre sera décidément prise ; on fixe même le jour de la publication de cette grande résolution au 17 de ce mois.


17 mai. — Je viens en ce moment du Cercle diplomatique du roi de Naples ; on a cru au commencement que Leurs Majestés recevraient les dames et les hommes à la fois ; cependant, ce ne fut pas le cas : nos dames seront reçues à part. Les ambassadeurs furent invités par le prince de Castel-Cicala à passer chez le comte de Castellamare, chose fort singulière, car, certes, il ne pouvait recevoir le corps diplomatique que comme roi de Naples.

Sa Majesté est excessivement courbée ; elle a l’air du père de Charles X, tant elle est décrépite ; avec cela, elle est aimable, causant à merveille. La Reine est très forte, avec une figure laide et commune, des pieds difformes, deux raquettes, bien larges et plates, couvertes d’un soulier en satin blanc. Elle est grosse, à ce que l’on dit, et voilà ce qui peut expliquer son gros