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Selon le rêve des vieux navigateurs, les routes américaines ont porté l’Europe vers l’Asie : l’Extrême-Orient et l’Extrême-Occident sont un. Le nouveau continent les unit, et, en même temps, il les arbitre (on l’a bien vu quand il s’est agi de clore la guerre russo-japonaise). L’axe de la terre s’est déplacé. L’horizon s’est élargi ; et sur cet horizon, toute puissance conquérante apercevra, désormais, le sommet sourcilleux de la grandeur américaine.

La France est, aussi, une puissance d’équilibre. Située au carrefour des routes européennes, elle a lutté, au cours de sa longue histoire, contre toutes les hégémonies et contre toutes les barbaries, qu’elles vinssent du Midi ou qu’elles vinssent du Nord. Atlantique et méditerranéenne à la fois, elle aussi, relie les deux mondes, l’Occident et l’Orient. Conformément à cette destinée, elle a ouvert le canal de Suez et donné le premier coup de pioche au canal de Panama.

Elle tend la péninsule de Bretagne comme une arche de pont, vers l’Amérique du Nord. De Québec et de New-York à Brest, c’est la plus sûre traversée et le plus proche atterrissement. La géographie et l’histoire dictent, entre la France et l’Amérique du Nord, des contacts de plus en plus fréquens et de durables ententes. Etats-Unis, France, Canada, une telle trilogie a un sens profond. Ces rapprochemens féconds auront de longs retentissemens sur l’avenir, si l’homme sait en saisir la portée et s’il ne contrarie pas l’œuvre du temps.


GABRIEL HANOTAUX.