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notamment celles de la séparation (qui ont eu cependant, pour effet, de donner plus de liberté au clergé et aux fidèles), l’attitude du gouvernement français à l’égard de Rome et à l’égard des ordres religieux, ont fourni des armes à une campagne des plus dangereuses.

Elle eût réussi, peut-être, à la faveur de certaines obscurités. Mais, aujourd’hui, il semble bien que le haut clergé canadien ait réfléchi et qu’il se soit rendu compte des suites fatales d’une fausse démarche : s’il cherchait une alliance et un réconfort ailleurs qu’en France, il se délatiniserait inévitablement ; il marcherait donc à contresens de son propre objet.

Être catholique, c’est tendre à l’universel. Pour cela, la France est l’appui naturel. Il reste assez de force au catholicisme français pour offrir son bras à ceux qui veulent marcher de pair avec lui. Et la France, elle-même, subsiste. Bien médiocre vision du lendemain, — même pour les causes les plus certaines de l’avenir, — que d’accepter l’idée d’une rupture avec la France.

Le Canada français n’a pas à s’arrêter aux vicissitudes de la politique journalière. Il a charge d’âmes en Amérique, charge d’âmes et charge d’avenir. Il est, par destination, le défenseur des origines françaises et latines... Restez attachés au tronc ; là d’où vient votre sève, là où sont vos racines, là est votre force.

Puisque le Canada français a survécu, il se doit d’être digne de cette survivance. C’est en cultivant en lui-même l’esprit français, l’âme française, qu’il remplira sa destinée, qu’il réalisera sa propre conscience. L’heure est venue, pour lui, de prendre un parti, de voir clair devant lui, de se décider et d’agir. Il ne peut s’attarder dans l’isolement : les grandes tâches et les grandes responsabilités lui incombent.

La colonisation de l’Ouest ouvre une page de l’histoire : elle sera d’autant plus fortement gravée et plus belle qu’elle sera dictée par un plus haut idéal. La France peut apporter sinon les ressources, du moins les traditions et les principes qui ont fait sa propre grandeur. Il est naturel, qu’à cette heure précise, les deux pays se recherchent. L’exemple est donné par les plus hautes autorités canadiennes. Les ministres et les hommes d’État, à quelque parti qu’ils appartiennent, viennent en France et s’attachent aux choses françaises.