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Il est bien entendu que les temps héroïques sont clos et que le clergé catholique américain tend de plus en plus à se recruter, comme il est naturel, parmi les fidèles américains. Menacé par la campagne violente du Native americanism ou Know-Nolhingism, il craint, par-dessus tout, l’accusation de subordination aux influences étrangères. Malgré tout, les contacts et les services mutuels subsistent, surtout en raison du voisinage des Églises canadiennes françaises[1].

Il y a, en ce moment, aux Etats-Unis, 15 millions de catholiques, pour la plupart fils ou descendans d’émigrans catholiques. Rien n’établit formellement que la religion catholique soit en gain sur la religion protestante. Cependant, le cardinal Gibbons évalue à 30 000 par an la moyenne des conversions dans les dernières années du XIXe siècle. La puissante organisation Catholic Church Extension Society, « Société pour le progrès de l’Église catholique, » fondée seulement il y a sept ans, à Chicago, obtient de tels résultats qu’un témoin, d’ailleurs optimiste, a pu formuler ce double espoir que, « dans vingt-cinq ans, plus de la moitié des États-Unis appartiendra au culte catholique, » ou bien encore que, « selon un rêve qui commence à n’être plus un rêve, les États-Unis deviendront la première nation catholique du monde[2]. »

Les causes d’un tel mouvement ne pourraient être dégagées que par une étude minutieuse. Au pays fondé par les Puritains, fuyant « les dépravations de l’Europe[3], » Rome reprend son empire. Parmi la multiplicité et le désordre des sectes, la discipline de l’Église catholique, sa persévérance, le dévouement actif de son clergé, secondé par la sympathie tolérante des autorités fédérales, présente, aux âmes, une assiette ferme où se tenir. Les émigrans, dont le nombre s’accroit sans cesse et qui finissent par couvrir, de leur apport, les couches les plus anciennes, se souviennent de leurs origines. Les Irlandais, les Italiens, les Canadiens français sont nombreux, féconds, énergiques. Une certaine rigidité protestante tient peut-être aussi en arrêt les âmes timides qui ont besoin d’appui et d’effusion.

  1. Voyez, dans la Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1898, une étude de F. Brunetière sur le Catholicisme aux États-Unis.
  2. Abbé Klein, l’Amérique de demain, p. 70.
  3. Début du livre de Cotton Mather, Magnalia Christi americana or the Ecclesiastical History of New England from 1620 to 1698.