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instinct très juste de ce qu’il y avait à faire en préparant aux générations futures, par l’expansion coloniale, de grandes surfaces territoriales à mettre en valeur et à cultiver. Aux colonies, tout se transforme. On sait combien la natalité française est vigoureuse au Canada ; on sait moins que la race française en Algérie est la plus prolifique de toutes les souches européennes. Il en sera de même, probablement, dans les colonies où le Français peut vivre. La formule serait alors : où il y a de la terre disponible, les hommes naissent. Et, comme les terres nouvelles ne manquent pas à la France, elle aurait, de ce chef, un recours contre la loi qui parait la frapper.

Peut-être aussi, une plus large éducation morale, une conception de la vie moins égoïste et plus relevée, remettront-elles en honneur les familles nombreuses. Que les exemples viennent de haut ; ils seront imités en bien comme en mal. Un véritable devoir incombe, de ce chef, à la bourgeoisie française. Les raisons pour lesquelles sa natalité est restreinte n’ont rien de fatal : elles dépendent de la volonté ; une volonté soutenue peut les corriger aisément. Puisque la bourgeoisie comprend les conséquences d’une abstention prolongée, puisqu’elle « raisonne son cas, » qu’elle soit la première à guérir le mal propagé par elle. Au moment où la natalité est en baisse chez la plupart des peuples civilisés, il serait bien que la France se ressaisît et prouvât qu’elle veut vivre — en vivant.


V

J’ai examiné en toute sincérité et bonne foi la plupart des critiques portées habituellement contre la France : mais je n’ai nullement la prétention de laver notre pays de tout reproche. Il a des défauts graves, des faiblesses insignes, des tares fâcheuses dont il devrait se débarrasser, se corriger ou se guérir. Mais les autres peuples ne sont pas non plus infaillibles, et le nôtre a, du moins, pour le réconforter, le souvenir de l’existence vingt fois séculaire dont il a parcouru bravement les étapes périlleuses.

La naissance de la France coïncide avec l’époque où le Christ parut. La France est entrée dans l’histoire, — par la conquête de César, — au moment où les temps modernes s’ouvraient. La France travaille, depuis bientôt deux mille ans, à