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Mais la population française diminue : quels que soient ses mérites, la race est appelée à disparaître, ou à ne se maintenir que par des apports étrangers. Le temps suffira pour réaliser les prédictions les plus funestes sur l’avenir de la France... Oui, la diminution de la natalité est un juste motif d’appréhension pour la survie de la race française. Ce n’est pas un suffisant réconfort d’ajouter que le mal n’est pas spécial à la France. Toute population qui s’enrichit tend à diminuer : la France, trop riche, voit sa natalité décroître : tel est le fait.

Il convient d’observer, tout d’abord, qu’il s’agit là d’un des plus mystérieux processus instinctifs de l’humanité. Les explications généralement alléguées ne sont guère que spécieuses. Le Play, en incriminant le Code civil et le système de l’égalité des droits entre les enfans dans les successions, la limitation du droit de tester et l’interdiction des substitutions, a fait fausse route. La dépopulation par manque de natalité ne sévit ni sur la Belgique, ni sur l’Italie, ni sur les pays rhénans, régions où le Code civil est appliqué. En revanche, elle frappe certaines provinces de la Russie, les classes élevées des Etats-Unis, de l’Angleterre et même de l’Allemagne, placées sous d’autres régimes.

Un des motifs déterminant la diminution des naissances paraît être la saturation en hommes du sol cultivable. L’agriculture a besoin de l’enfant ; seuls, les travaux agricoles l’emploient sans danger pour lui ; pour la plupart des autres classes de la société, l’enfant est une charge paraissant trop lourde parce qu’elle est trop longtemps prolongée.

Le petit bourgeois, le fonctionnaire cantonné dans les villes, condamné à un salaire minime, à des frais croissans, enfermé dans un appartement étroit et peu confortable, réduit pour ses besoins et ses plaisirs à la portion congrue, se refuse le luxe d’une famille nombreuse. Peu à peu, l’accoutumance vient : la femme craint pour sa grâce, pour l’élégance de sa taille, pour la fidélité du mari. L’exemple gagne de proche en proche ; les mauvais conseils circulent ; moitié calcul, moitié esprit d’imitation, le mal se répand. Quand l’âge vient démontrer la joie que cause l’enfant et la tristesse infinie des ménages « orphelins, » il est trop tard.

Une connaissance plus exacte des causes du mal permettrait d’indiquer certains remèdes. La France a eu, sans doute, un