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la solidité du lien familial. Cette conception met les époux entre eux et les enfans entre eux sur un pied d’égalité qui permet le plein développement de leurs facultés et le plein épanouissement de leur dignité. La France n’est pas le pays des suffragettes, probablement parce que la femme y tient une place autrement liante que celle qui résulterait pour elle du droit d’entrer dans les comices.

La femme française : faut-il rappeler maintenant, ce qu’elle est, quelle fille auprès de ses parens, quelle épouse auprès de son mari, quelle mère auprès de ses enfans ! La femme est la véritable évangélisatrice de la moralité nationale : sur ses genoux, l’enfant suce l’honneur et la douceur de vivre avec le lait ; ses exemples et ses leçons appuient la chère adolescence, et sa vaillance, sa sobriété, sa constance, accompagnent et soutiennent la vieillesse et le malheur.

Sommes-nous suspects en proclamant ce que la France doit à la femme française : que l’on en croie, du moins, l’étranger : « En France, dit M. Barrett Wendell, une honnête femme n’est pas seulement une bonne épouse ; elle reste aussi ce qu’elle était avant le mariage, une fille modèle, profondément attachée à sa famille d’origine ; elle est une bonne sœur et une amie fidèle... Elle est bonne mère plus absolument encore et ses obligations envers ses enfans, aussi bien qu’envers leur père, lui imposent d’être une bonne maitresse de maison, ne négligeant jamais les détails monotones de son activité quotidienne. Ce devoir infini, minutieux, prosaïque, est la condition de toute son existence et elle l’accomplit, de la jeunesse à la vieillesse, oublieuse d’elle-même, heureuse, souriante. Car ce n’est pas la moindre de ses croyances de penser qu’elle doit rendre la vie agréable à ceux qui sont autour d’elle... Les Françaises qui sont dignes de ce nom d’honnêtes femmes (comme on disait jadis un honnête homme) sont sans nombre dans la France entière ; elles ne sont pas seulement le plus beau type de la femme de ce pays ; elles sont les plus nombreuses, les plus représentatives. Si l’œil indifférent de l’étranger, de l’artiste, ne le distingue pas d’abord, c’est parce que, comme l’air et la lumière, elles sont partout : c’est aussi parce que le soin silencieux qu’elles apportent à remplir leurs devoirs les rend invisibles...[1]. »

  1. Barrett Wendell, La France d’aujourd’hui, trad. par G. Grappe. Paris, Flory, 1910, in-8.