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prospérité générale du pays le prouve, étant entendu, d’ailleurs, que le commerce n’est jamais que le commerce, et non, à aucun degré, la pierre de touche de la civilisation.


Faut-il maintenant plaider la cause de la France au point de vue de la moralité, soit générale, soit particulière.

Des observateurs de la plus haute autorité et impartialité, M. Barrett Wendell, sir Th. Barclay ont témoigné pour nous. La réaction en notre faveur est en voie d’accomplissement. On commence à pouvoir dire (ce qui est la simple vérité) que les étrangers qui viennent chercher en France des spectacles réjouissans, se les donnent souvent à eux-mêmes. La Côte d’Azur, aux jours du carnaval de Nice, n’est plus guère, maintenant, qu’une kermesse teutonne. Nous ne savons pas au juste d’où nous vient l’étrange foule qui, certains soirs, peuple nos boulevards ; mais, à coup sûr, elle n’est pas en majorité française.

La littérature française (ou, pour parler plus exactement, le roman français) ne s’est pas signalée, il est vrai, dans une période récente, par une pruderie extrême. Mais pourquoi incriminer la littérature française tout entière ? Nos publicistes, nos historiens, nos penseurs, nos philosophes, nos poètes ne comptent-ils pas dans la production littéraire du pays ? Le théâtre, s’il expose parfois quelques scènes risquées, ne représente-t-il pas, dans son ensemble, un des plus nobles efforts d’observation et de moralisation que l’humanité ait jamais produits. Comment expliquerait-on, sans cela, qu’il alimente, presque exclusivement, les scènes des grandes villes étrangères ?... Le théâtre, le roman consacrés à l’étude des mœurs et des caractères, ont insisté sur certaines peintures vives ou scabreuses ; mais personne n’ignore que le roman et le théâtre ne s’adressent pas à la jeunesse, et que, dans tous les temps, ils ont figuré parmi les arts réservés.

La production littéraire française, la production artistique française, la production scientifique française sont considérables ; elles livrent, chaque année, au public, une abondante moisson de belles œuvres, de bonnes œuvres, d’œuvres utiles. Révèlent-elles un abaissement quelconque des esprits et des cœurs ? Quelle injustice de ne s’attacher qu’à de rares morceaux où l’art tantôt s’égare dans des subtilités dangereuses, tantôt