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une bouteille de Champagne, une garniture de plumes : petit tonnage, gros bénéfice. Le commerce français se consacre de préférence à un genre d’affaires qui chiffre moins, tout en rapportant davantage. De telle sorte que les gains réels du commerce français sont, pour ainsi dire, inaperçus quand, en fait, ils existent et qu’on les retrouve au fond du fameux bas de laine.

Ces exemples pourraient se multiplier ; ils suffisent pour fortifier cette observation de simple bon sens que, si la France peut disposer de capitaux considérables, c’est qu’elle est riche, et que, si elle est riche, c’est que sa puissance économique est grande et ses facultés commerciales aptes à tirer profit de ses richesses et de ses ressources naturelles ou industrielles. La France a une clientèle de luxe, élégante et payant bien, la fleur de la clientèle universelle. Voilà la vraie source de sa prospérité : qui ne la lui envierait ?

La France touche, par les revenus de ses capitaux, placés à l’étranger, une rente annuelle égale à la somme du budget national. Elle pourrait vivre en rentière, n’ayant d’autre peine que de détacher ses coupons. Mais elle travaille sans cesse, s’ingénie continuellement, se critique parfois très sévèrement, parce qu’elle n’est jamais contente d’elle-même. Elle est, dans l’ordre économique, comme dans l’ordre militaire, scientifique, artistique, littéraire, toujours à l’ouvrage et toujours sur le pont.

Son entrain et sa belle humeur donnent le change : elle porte le poids du travail si aisément qu’on ne la voit jamais ni affairée, ni lasse ; et sa richesse même ne lui est pas à charge : elle l’augmente, mais sans hâte et sans essoufflement. L’économie française est une prudence réfléchie, non une âpre convoitise. Elle profite aux autres autant qu’au pays lui-même. La France administre sagement cette fortune qui n’est, entre ses mains, qu’un dépôt servant au développement du bien-être universel ; il n’est guère d’entreprise mondiale que la France n’ait soutenue de ses subsides.

En présence de ces faits, dire et répéter, comme une leçon apprise, que la France économique est en décadence, c’est un ridicule abus des mots, une aveugle adhésion à une campagne de dénigrement intéressé. Le quotient économique de la France est, proportionnellement au chiffre de ses habitans, l’un des plus hauts du monde : des statistiques bien faites l’établissent, et la