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aux capitaux français et à la main-d’œuvre française, des avantages suffisans ; il semble aussi que le système de l’inscription maritime, bon sous Colbert, n’est plus qu’une entrave et a fait son temps. Quoi qu’il en soit, nous ne voiturons pas nous-mêmes nos produits au delà des mers ; et, du côté de la terre, nous sommes également obligés de passer par les territoires qui nous enserrent de toutes parts.

Il résulte de là que les produits français, embarqués sur les navires ou chargés sur les convois de nationalité non française, figurent trop souvent, dans les statistiques, sous une rubrique étrangère. D’autre part, la vente directe des produits au consommateur qui visite la France, et qui fait lui-même ses emplettes, apporte à l’activité nationale un profit extrêmement rémunérateur, mais qui échappe également aux relevés officiels. Ainsi des fuites ou des altérations très importantes se produisent.

En général, les tableaux statistiques comparatifs sont conçus selon le type anglais : or, certains articles ont, dans le commerce anglais, une importance énorme : le charbon, le fer, les tissus, tandis que les articles particulièrement français, comme les fruits, les vins, les objets de luxe sont relégués sous la mention : divers. J’ai eu sous les yeux des tableaux officiels qui indiquaient le commerce de la France avec la Chine comme à peu près nul, tandis, qu’en fait, lui vendant les riz de l’Indochine, et lui achetant les soies pour notre industrie lyonnaise, nous sommes parmi ses plus forts cliens. Mais, sur les statistiques, les soies embarquées à Hong-Kong étaient inscrites au compte de l’exportation en Angleterre, et les riz d’Indochine étaient mentionnés sous la rubrique : « produits divers d’origine asiatique. » La France ne perdait pas un centime de son trafic ni de son bénéfice, mais sa face commerciale était atteinte.

Les forts tonnages sont mentionnés avec emphase par les tableaux officiels, alors qu’ils ne sont pas, d’ordinaire, l’objet du commerce le plus avantageux. Les marchandises françaises, souvent de médiocre tonnage, assurent de grands bénéfices, et c’est ce qui importe. Un chargement de charbon, par exemple, est de poids énorme et de médiocre profit, si on le compare à une affaire de diamans, autre charbon, de petit tonnage, mais de gros bénéfices. Un chapeau de la rue de la Paix est un article à petit tonnage et à gros bénéfice ; un tableau de maître, un bijou,