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a supporté et supporte la charge du service militaire. Avant de s’apitoyer sur son sort, que d’autres imitent d’abord son exemple !


Une certaine tendance, toute matérialiste, de la civilisation actuelle, porte les esprits à juger la valeur des peuples d’après leur puissance économique : à ce sujet encore, combien de jugemens erronés circulent sur le compte de la France ! Son activité économique serait réellement en recul qu’il ne faudrait pas en conclure à une chute irrémédiable. Les peuples à commerce peu développé ne sont pas toujours les plus proches de la décadence. Cependant, même à ce point de vue, il convient de voir les choses comme elles sont et de se méfier des jugemens tout faits.

Personne ne nie, d’abord, que la France soit le pays du monde qui possède le plus de fonds disponibles. La France intervient, par ses placemens ou les mouvemens de ses capitaux, chaque fois qu’une crise menace les affaires générales, ou chaque fois qu’un pays en voie de développement a besoin de ressources. Ainsi, elle s’est acquis, dans l’économie internationale, une situation aussi forte que celle qui lui appartient dans les questions militaires. Les alliances commerciales et financières viennent vers elle comme les alliances politiques, parce qu’elle dispose, de part et d’autre, de forces acquises également prééminentes : son armée et sa richesse.

Cette richesse, est-elle due uniquement aux habitudes d’épargne, invétérées dans la nation française ? L’épargne suffirait-elle à enrichir un peuple ?… Le proverbe français dit, d’un homme économe : « Il tond sur un œuf. » Tondre sur un œuf est d’un bien médiocre profit. « Où il n’y a rien, le roi perd ses droits, » dit un autre proverbe.

La richesse française a une source plus large, plus abondante et plus féconde : c’est l’activité constante de la production nationale, c’est la prospérité, sans cesse accrue et si mal comprise, du commerce français.

En général, les statistiques sont contre nous. La mer ne nous aide pas ; elle ensable nos ports et favorise nos concurrens : de même la statistique.

Incontestablement, notre marine marchande est en diminution : sans doute que cette sorte d’entreprises ne présente pas,