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au monde par l’entrain et la résolution avec laquelle la population accepta les charges militaires, imposées par la défaite et par la paix armée. Les puissances libérales, et notamment les races anglo-saxonnes, savent combien il est difficile d’obtenir, d’une population démocratique, maîtresse de ses propres destinées, l’adhésion volontaire au service militaire obligatoire.

Car, le mot obligatoire n’est qu’un mot : si le peuple ne voulait pas servir, qui donc l’y forcerait ? C’est donc, par un sacrifice spontané, constant, incessamment renouvelé de génération en génération, sacrifice personnel, sacrifice pécuniaire, sacrifice de la part des pères et de la part des enfans, que la France se maintient, depuis quarante ans, à l’état de « nation armée. »

Ni exceptions, ni privilèges, tous portent l’uniforme ou le sac ; les chances d’avancement sont pareilles pour tous et les chances de vie ou de mort le sont aussi, à la caserne et sur le champ de bataille. L’armée est une école d’égalité, de discipline, de tenue physique et morale ; elle prend à l’homme plusieurs années de son existence pour les porter au compte de la survie du pays. Quelle conception plus noble du devoir social ?

Ainsi, la France s’est préparée et entraînée de telle façon, qu’au premier de tous les sports, le sport des armes, aucune puissance, même militaire, même impériale, n’est sûre de la dépasser : canons, fusils, forts, procédés techniques, enseignement, capacité, valeur, courage, elle a su tout mobiliser. L’armée française est la seule grande armée démocratique capable de lutter pour l’indépendance du pays. Le signe le plus frappant du vouloir vivre chez un peuple, n’est-il pas l’organisation et l’entretien d’une armée défensive où le peuple lui-même, tout le peuple, soit prêt à verser son sang ?

Non, ce n’est pas une nation en décadence que celle qui dispose de quatre millions d’hommes armés, exercés et commandés, celle vers qui viennent les autres peuples et sur laquelle ils comptent. Pour rompre l’équilibre international, il faudrait passer sur le corps de la France, et c’est bien là, pour le reste de l’univers, une sécurité. L’une des principales raisons pour lesquelles la France a reconquis un rang des plus honorables parmi les nations modernes, c’est la vaillance avec laquelle elle