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universités françaises et les universités américaines ? C’est entrer dans ce mouvement que de présenter, à des esprits bien disposés, certains faits ou certaines interprétations sous un jour nouveau et peut-être plus clair.

Le peuple français est en décadence ; la France est une espèce de « Pologne » vouée à un prochain démembrement, telle est l’opinion assez généralement répandue en Amérique, au sujet de notre pays.

Il est facile de savoir d’où vient cette appréciation si sévèrement pessimiste. La guerre de 1870, suivant de près la guerre du Mexique (où la France s’était trouvée presque en antagonisme avec la nationalité américaine en péril), fut considérée par les puritains d’outre-Manche et d’outre-Océan, influencés par la presse allemande et des autres pays protestans, comme un châtiment de la Providence se prononçant contre le catholicisme et les races latines. Les longues difficultés politiques et diplomatiques qui, après la guerre de 1870, mirent la nation française aux prises avec l’Angleterre, entretinrent, une animosité constante et une propagande perfide dans la presse et dans l’opinion. La nécessité où fut la France de constituer rapidement son nouvel Empire colonial (sous peine de déchoir de son rang dans le monde) prolongea, pendant un quart de siècle, cet antagonisme franco-anglais qui eut naturellement ses répercussions dans tous les pays anglo-saxons. Ajoutons que la France, accablée sous le fardeau de ses défaites et de ses tâches urgentes, s’absentait, en quelque sorte, du reste du monde, tandis que les peuples concurrens s’installaient à l’aise et prenaient possession de l’Univers.

Et puis, comme je le disais en commençant, la France s’est beaucoup déconsidérée elle-même : Taine a été le chef d’une école démesurément pessimiste. Le livre de Desmolins sur la supériorité des Anglo-Saxons, a marqué le point culminant d’une campagne où s’attardait le désenchantement de la défaite. La littérature se plut à se déclarer » décadente. »

La France ne s’apercevait pas qu’elle se relevait au moment où l’on criait, — où elle criait elle-même, — à sa chute définitive. Les œuvres témoignaient pour elle à contre-pied des paroles. Loin d’être sur le penchant de la ruine, elle se redressait, jeune, prospère et bien vivante.

La preuve la plus frappante de la vitalité française fut donnée