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et de la Confédération générale du travail. Mais il n’en a rien été ; le ministre a tenu bon et les préfets ont répété que le 10 septembre était le dernier délai accordé aux instituteurs pour se soumettre. Ceux-ci ont expliqué alors qu’on les avait méconnus et calomniés, qu’en se ralliant au « Sou du soldat, » ils n’avaient eu d’autre intention que de venir en aide à leurs camarades, que leurs syndicats étaient couverts par un vote parlementaire et que la Confédération générale du travail, maison mère de tous les syndicats, n’avait jamais fait que du bien. Quelques-uns d’entre eux ont fait remarquer qu’ils étaient officiers de réserve et par conséquent bons patriotes. Enfin tantôt ils ont plaidé non coupables, et tantôt ils ont invoqué les circonstances atténuantes, avec une souplesse d’argumentation et des distinctions subtiles qui rappellent trop celles qu’on a prêtées à une congrégation célèbre. Mais l’évidence des faits était trop grande pour qu’on pût l’obscurcir, et la conscience publique, subitement éclairée par le jet de lumière parti de Chambéry, a persévéré dans son impression première. Alors les syndicats d’instituteurs ont adopté une autre tactique : ils ont dit qu’on était en vacances, que leurs membres étaient dispersés, qu’il était impossible de les réunir en ce moment : eux seuls cependant avaient qualité pour prendre une décision : encore ne serait-elle valable que si elle réunissait une majorité des deux tiers. Ils ont donc demandé un délai. Mais rien n’y a fait : le gouvernement a tenu ferme et les préfets ont continué de montrer du doigt la date du 10 septembre. Peu à peu les syndicats ont commencé à se décourager. Ceux du Morbihan s’étaient montrés les plus récalcitrans ; ils étaient confirmés dans leur résistance par un ordre du jour du Conseil municipal de Lorient qui espérait bien par là leur donner une grande force ; ils estimaient d’ailleurs avoir particulièrement charge d’âme parce que le siège de la fédération, qui est mobile, avait été fixé cette année dans leur département : cette décision avait été prise à Chambéry même. M. Cren, leur chef, se montrait fort énergique dans les interviews auxquelles il se prêtait volontiers. Pour tous ces motifs on se tournait vers Lorient comme vers une La Mecque. Qu’allait faire le syndicat du Morbihan ? surprise, il s’est soumis : à partir de ce moment, il est devenu probable que beaucoup d’autres suivraient son exemple. Le syndicat du Morbihan a déclaré, il est vrai, que dans deux mois il se reformerait sous la forme d’une simple association, et que, moins le mot, ce serait même chose. Nous ne nions pas le danger ; ceux qui établissent une distinction profonde entre les syndicats et les associations, en déclarant les premiers dan-