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série des lettres du recueil nouveau, — que la « conversion » du poète italien peut être regardée comme décidément accomplie. Et que si, jusque-là, cette « conversion » demeure incomplète, si nous la voyons hésiter et fléchir, — sans cependant jamais aucun risque sérieux de retour à l’ancienne incrédulité, — c’est que, au début de l’année 1810, la jeune femme de Manzoni s’est seule réellement, pleinement « convertie. » Par un de ces miracles d’amour qui n’ont, Dieu merci, rien d’impossible, ni même d’exceptionnel, le poète s’est alors figuré ressentir en soi-même une révolution qu’il voyait s’opérer dans le cœur d’une compagne tendrement aimée. Son propre cœur n’est allé à Dieu, tout d’abord, que pour suivre cet autre cœur, désormais uni au sien ; il l’a fait aisément et sans l’ombre d’effort, dans un de ces élans amoureux qui transforment en joie les plus durs sacrifices. Et il a fallu ensuite à la raison un long travail de rééducation et d’accoutumance pour que la foi nouvelle ainsi adoptée réussît enfin à imprégner l’âme toute entière de l’ex-idéologue, — achevant d’en effacer toute trace de « tiédeur » ou de « dissipation, » et y répandant, en échange, ce flot merveilleux de douceur, de sérénité, d’allégresse chrétiennes que nous laisse deviner immortellement le récit des touchantes aventures de Renzo et de Lucia.


T. DE WYZEWA.