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cardinal étranger surpasse en chose quelconque un cardinal français. »

De cet épisode de son histoire, Châalis conserve deux monumens. Les peintures qui ornent la « chapelle de l’abbé » sont un charmant exemple de décoration à l’italienne. Rien ne preuve qu’elles soient de Rosso ou de Primatice. Mais quiconque aime l’Italie en reconnaîtra ici la grâce indélébile ; c’est le sourire même, l’âme voluptueuse d’un fils de Raphaël ou de Corrège. Le peintre a représenté les Pères de l’Église, les quatre Évangélistes, et les anges portant les instrumens de la Passion, — le tout comme il a pu, à la volée, entre les nervures de la voûte. C’était un peu le même problème qui se posait à la Farnésine ou à la Camera de San Paolo, à Parme ; il fallait s’interdire les groupes, tout ce qui eût fait lourdeur, et ne laisser voir dans chaque espace qu’une figure à la fois. L’artiste s’est tiré habilement de la difficulté. Il suppose que les ogives forment le treillage d’une pergola, à travers laquelle apparaissent le champ de l’azur et les nuages. Là flottent des silhouettes légères, éparpillées, pas très sérieuses, mais si faciles, si gaies, si bien en l’air ! Une fête des yeux, une caresse d’un instant, un vif éclair de joie dans un ciel de satin, c’est déjà bien joli. Ce le serait plus encore sans les restaurateurs. La grande composition qui occupe le mur d’entrée est refaite de fond en comble. Le comte de Longpérier, qui l’a décrite vers 1860, n’y distinguait plus que le pied d’un personnage devenu invisible, et il prenait ce pied pour celui de saint Guillaume. On ne voit que trop clairement aujourd’hui une Annonciation, mais elle est de Paul Balze, qui acheva de détruire, il y a une trentaine d’années, ce qui restait de l’original. L’humidité du mur se charge de faire justice de cette « restauration. »

Enfin, dans le jardin, à quelques pas de la chapelle, s’élève un monument qui n’a pas son pareil de ce côté des Alpes. Ce n’est qu’un mur, et qui plus est, un mur de cimetière. Une arche, surmontée d’un fronton héroïque, timbré de l’écusson des Este, s’ouvre au milieu de cette muraille ; une rangée de stèles se dresse sur la crête, scandée à intervalles égaux, et formant sur l’arête une barre horizontale, une chaîne de créneaux sévère et majestueuse. C’est tout, et cela est d’une beauté absolue. Rien de plus imposant que ce porche de la mort. Qu’on place devant la porte une fontaine lustrale, qu’on imagine par derrière un jardin italien, les haies en deuil des buis, les sombres flambeaux des cyprès, — vous avez l’expression « en soi » du paysage funèbre. Il ne faudrait que ce mur placé au fond d’un parc, pour faire de Châalis un pèlerinage célèbre. Puissance de la beauté ! L’Italie seule a eu, chez les peuples modernes, la faculté de créer ces décors grandioses,