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Katsura se retira et l'empereur rappela au pouvoir le marquis Saionji. C'est alors qu'éclatèrent les troubles qui devaient amener la fondation de la république chinoise. Mutsuhito eût désiré le maintien de la monarchie dans un pays que rattachent au sien le voisinage et des traditions communes ; il ne crut pas devoir mécontenter son cabinet libéral ni menacer par une intervention de compromettre la paix en Extrême-Orient. Du moins voulut-il assurer la situation du Japon en Mandchourie par un accord plus intime avec la Russie.

Cependant, au cours de ces années où l'empereur semble avoir vécu avec la pensée de la mort, les préoccupations de la politique ne tenaient plus la première place dans son esprit ; il considérait comme son principal devoir de veiller à l'état moral de son peuple. Sans doute, dans l'ensemble, ce peuple était resté bon, soumis, frugal et travailleur ; la criminalité avait même en vingt ans diminué des deux tiers. Mais, dans les hautes classes et plus encore dans les classe moyennes, on trouvait une véritable anarchie morale : le bushido avait pu remplacer éthique et religion pendant les années où les dangers de la patrie faisaient de chaque Japonais, quelle que fût sa profession, un soldat dans son cœur et presque dans sa vie de tous les jours ; après les victoires de 1905, il y eut comme une réaction des caractères trop tendus, et ce fut le luxe, les plaisirs, le laisser aller, même le vice, puis le goût de tout ce qui est étrange, malsain ou paradoxal dans l'art, dans la littérature, dans la sociologie et la philosophie. Mutsuhito ne cessa de lutter contre cet abandon des vertus nationales : il inspirait à ses ministres les circulaires pleines de sagesse qu'ils envoyaient aux professeurs, aux étudiants, aux fonctionnaires, aux officiers ; lui-même s'adressa directement à ses sujets dans le rescrit d'octobre 1908, où il leur recommandait « de se montrer frugaux et simples, de ne pas craindre les travaux pénibles et d'accomplir fidèlement tous les devoirs de leur état. » Encore une fois le peuple se montra docile à la voix du maître qu'il aimait, mais l'effervescence ne se calma pas dans ce petit groupe d'anarchistes à qui de longs séjours à l'étranger avaient fait perdre les qualités et les sentiments de leur race. Dans l'automne de 1910, ils résolurent de jeter des bombes sur le passage de l'empereur, des princes et des ministres, qui se rendaient aux manœuvres, et de faire sauter à la dynamite les principaux édifices de Tokio. Le complot fut découvert